jeudi 5 mai 2011

Shoja Azari, There are no non-believers in Hell


Shoja Azari, The Day of the Last Judgment (Coffee House Painting) - Extrait, 2009
Installation vidéo/audio sur toile, 5 min 30 sec
Conception graphique : Nariman Hamed
Courtesy Galerie Jérôme de Noirmont, Paris.

Les œuvres exceptionnelles de Shoja Azari à la galerie Jérôme de Noirmont répondent parfaitement à la triste actualité. L'exposition There are no non-believers in Hell est encore visible jusqu'au 19 mai. A voir absolument.

— Communiqué de la galerie —

Du 1er avril au 19 mai, la Galerie Jérôme de Noirmont a le plaisir de dévoiler pour la première fois en France le travail de l’artiste et vidéaste iranien Shoja Azari avec ses créations les plus récentes.
Shoja Azari, né à Shiraz (Iran) en 1958, vit aux Etats-Unis depuis 1983. Son œuvre est emblématique de l’engagement politique de la scène artistique contemporaine iranienne et de sa nouvelle génération de créateurs, souvent exilés hors de leurs frontières, qui tentent d’éclairer les métamorphoses de la société iranienne et les aspirations de sa jeunesse.

Pendant la première moitié du XXème siècle, l’art iranien était l’apanage du Shah et de sa cour. Dès lors qu’il s’en affranchit, il devient un faire-valoir des préoccupations étatiques et se trouve soumis à une relative censure. Après la Révolution de 1979, cette censure prend de l’ampleur demandant à l’art d’être en conformité avec les nouvelles normes islamiques. Le régime de Khomeiny instaure un contrôle des mœurs extrêmement autoritaire, imposant un code moral de représentation artistique en adéquation avec les objectifs idéologiques du nouveau gouvernement religieux.

Aujourd’hui les artistes de la diaspora iranienne tels que Shoja Azari ou Shirin Neshat - avec laquelle il vit et collabore depuis 1997 - apparaissent comme les dignes héritiers d’une vitalité qui n’en est plus à ses débuts. Aussi, au moment où l’Occident cherche à mieux cerner la mosaïque islamique, ces artistes, riches d’une double culture, celle de leur pays d’origine, l’Iran, et la culture occidentale moderne découverte en exil, offrent un regard alternatif sur le monde musulman, dégagé de tout stéréotype. Une identité culturelle omniprésente que Shoja Azari associe à un langage plastique résolument moderne pour mieux révéler les malaises provoqués par les fanatismes religieux, aussi bien dans son pays d’accueil que dans son pays d’origine. Un regard extraterritorial où art et politique deviennent indissociables : « Mes travaux sont enracinés dans mon histoire culturelle personnelle, incluant les miniatures persanes comme, vivant à l’étranger, l’histoire de l’art abstrait, minimal et conceptuel occidental. »
S’inspirant des tensions politiques qui agitent le Moyen-Orient, il dénonce les dérives de la radicalisation religieuse et les affrontements politiques et humains qui en découlent. Fidèle à son héritage, il reprend l’iconographie populaire et religieuse iranienne et l’associe aux conflits vus et vécus à travers les médias américains. Un art engagé où se mêlent peinture et vidéo, tradition persane et modernité occidentale.

A l’étage de la galerie, la dernière installation vidéo de l’artiste est projetée sur 2 murs adjacents. Le titre,There are no non-believers in Hell (2010), qui est aussi celui de l’exposition, fait écho au sermon d’un fondamentaliste américain qui avait créé la polémique en appelant à un autodafé du Coran en septembre 2010. Ce discours est révélateur d’une islamophobie croissante aux Etats-Unis depuis les attentats du 11 septembre, qui résonne et inquiète dans cette installation vidéo. La voix prend tout son sens ici à la lecture des images : les œuvres de grands maîtres de la peinture Occidentale - Rembrandt avec Le Sacrifice d’Isaac par Abraham et Le Caravage avec L’incrédulité de Saint Thomas - sont en proie aux flammes. En détruisant et en associant ces deux toiles – symboles de l’art occidental mais aussi du doute et de la foi - au prêche d’un extrémiste religieux américain, Shoja Azari inverse le stéréotype occidental qui assimile radicalisme religieux et Islam.
Deux photographies, créées à partir des mêmes images, seront exposées aussi.

Dans la seconde projection vidéo exposée, The Day of the Last Judgment (2009), Azari détourne les « peintures des cafés littéraires » de Téhéran, constituant un genre spécifique en Iran depuis la fin du 19ème siècle et considérées, de par leur nature narrative, comme précurseurs du cinéma iranien. Leurs sujets, principalement religieux, représentent des scènes de l’histoire du chiisme ou encore l’Apocalypse. Ici l’artiste reprend une des plus célèbres peintures religieuses classiques, celle de Mohammad Modabber (The Day of the Last Judgment, 1897) qu’il transforme en une grande fresque animée, vision actuelle et vivante de l’enfer.

Au milieu de scènes de paradis et de perdition, est projeté un canevas visuel des violences emblématiques des 40 dernières années au Moyen-Orient: marche des forces du Hezbollah, tirs de roquettes américains, affrontement israélo-palestinien, assassinat à Téhéran d’un opposant politique, autant d’images en mouvement dont la petite dimension qui rappelle les miniatures persanes contraste avec la brutalité qu’elles mettent en scène et la dimension globale du chaos que ces vidéos illustrent. C’est un panorama sur lequel les voix de Lynndie England, d’un kamikaze, ou encore d’Hassan Nasrallah émergent. Shoja Azari devient alors le narrateur indirect de ces scènes quotidiennes auxquelles nous ont habitués les medias. Comme dans l’œuvre précédente, le feu ravage la toile, les images vidéo se font et se défont au rythme des flammes…
A mi-chemin entre tradition et modernité, l’artiste réalise ici une œuvre résolument engagée où les frontières visuelles, plastiques, culturelles et historiques sont abolies.

Aux côtés de ces œuvres audiovisuelles, Shoja Azari procède une nouvelle fois à la déconstruction formelle du sacré et de l’iconographie Shiite dans sa série des Icons (2010). Cinq portraits-vidéos reprennent les représentations officielles des Imams, martyrs et saints islamiques ; ces icones traditionnellement masculines, figurant les héros religieux de la résistance Shiite face à la domination Sunnite, font partie du quotidien iranien et ont largement envahi boutiques, restaurants et foyers depuis la Révolution de 1979.
Shoja Azari n’hésite pas ici à détourner l’image pieuse de ces grandes figures populaires en substituant à leur visage celui de femmes iraniennes contemporaines. L’icône devient alors vivante, humaine, féminine… Une transgression du sacré dont l’étrangeté interpelle. «J’ai masqué la barbe, j’ai regardé les yeux, et les sourcils, et j’ai réalisé qu’il s’agissait en fait de femmes déguisées. » Lorsqu’il réalise cette série, Shoja Azari évoque le destin de ces femmes martyres, victimes citoyennes de la Révolution Verte, celles là même qui vénéraient ces icônes.
Avec Icon #3, c’est ainsi la représentation de l’Imam Reza, huitième imam chiite mort en martyr au IXe siècle, qui est détourné. Recouvert d’un turban vert, couleur symbolique de l’Iran devenue en 2009 couleur de l’opposition, il devient une jeune femme éplorée, au visage larmoyant. L’icône religieuse devient alors icône populaire, ancrée dans la réalité…

La manipulation du sacré, la diversité des références iconographiques, la fusion entre plusieurs médias visuels et sonores sont caractéristiques du travail de Shoja Azari.
Ces contrastes que l’on retrouve dans ces scènes instables, à la fois banales et brutales, nous donnent à voir les différentes « couches de réalité » qu’entrevoit l’artiste : ce n’est pas le réalisme d’un narratif linéaire qui l’intéresse, mais la densité d’une réalité qui ne s’exprime jamais de façon unilatérale mais sous forme de chemins croisés, parfois opposés.
Entre tradition et modernité, passé et présent, Shoja Azari est l’artiste de cette zone nébuleuse entre doute et certitude qui subsiste en chaque individu. Il devient le loup dans la bergerie, joue littéralement avec le feu et excelle dans la confusion des apparences, de nos illusions et de nos évidences.


Shoja Azari, Hell is No Joke II, 2010
Tirage couleur, 6 exemplaires, 152,4 x 101,6 cm
Conception graphique : Nariman Hamed
Courtesy Galerie Jérôme de Noirmont, Paris

Chiharu Shiota, HOME OF MEMORY à la maison rouge

IMG/flv/CHIHARU.flv


La maison rouge présente la première grande exposition parisienne de Chiharu Shiota, artiste japonaise établie à Berlin. Celle-ci réalisera deux installations monumentales pour la maison rouge : After the dream, une pièce de fils tendus dans l’espace et From where we come and what we are une œuvre inédite, constituée de valises. Une sélection de dessins sera également présentée.

Depuis le milieu des années 90, Chiharu Shiota a fait des installations de fils entrelacés sa signature. Tendant des fils de laine noirs aux murs, sols et plafonds des espaces d’exposition, elle crée des réseaux graphiques impressionnants, au travers desquels le visiteur doit trouver son chemin et sa place. Ces toiles gigantesques enveloppent très souvent des objets de son quotidien : chaises, lits, pianos, vêtements, comme si l’artiste essayait, en les retenant prisonniers dans sa toile, de conserver la trace de ces objets qui menacent de disparaître de sa mémoire.
Les fils de laine s’apparentent à des traits de crayon dessinés dans l’espace, dont l’accumulation fait écran à la vision du visiteur, tout en générant la dimension sculpturale de l’œuvre ; de simples robes blanches suspendues, enveloppées dans cette toile impénétrable, y projettent des corps absents. Invité à pénétrer dans l’installation, le visiteur a l’impression d’avancer dans la matérialisation d’une image mentale.
Dans la seconde installation que propose Chiharu Shiota à la maison rouge, l’artiste s’empare d’un matériau encore inédit dans son œuvre : des centaines de valises d’occasion, réunies pour fabriquer un abri, un archétype de maison. IntituléeFrom where we come and what we are, l’installation matérialise un questionnement souvent présent dans le travail de l’artiste : quels souvenirs matériels et psychiques conserve-t-on de son passé ? Les souvenirs nous construisent-ils ou nous empêchent-ils d’avancer ?

Chiharu Shiota
Home of Memory
jusqu'au 15 mai
10 bd de la Bastille
75012 Paris

Michel De Broin, SHARED PROPULSION CAR


Michel de Broin, Shared propulsion car, 2005.
carrosserie de voiture et pédaliers

« Toutes les composantes d’une Buick Regal 1986 jugées superflues – le moteur, la suspension, la transmission, le système électrique – ont été retirées pour réduire au maximum le poids du véhicule tout en conservant son apparence. La carrosserie a ensuite été équipée d’un ensemble mécanique constitué de quatre pédaliers autonomes permettant aux passagers de former un groupe auto propulseur. Une transmission a été mise au point afin de transmettre la puissance fournie par les passagers aux roues motrices. » Michel De Broin

Quelques mots sur la pièce Shared Propulsion Car :


L’artiste canadien Michel De Broin a inventé un moyen de transport alternatif qui répond à la fois à la crise pétrolière et à l’individualisme de nos sociétés. Non polluante, participative, économique, classieuse, gratuite, autonome, unique et sport, la Shared Propulsion Car de Michel de Broin révolutionne l’automobile et réconcilie enfin amateurs de belles voitures et écologistes les plus convaincus. Elle marie le charme vintage et le confort moderne d’une Buick Regal 1986 - intérieur spacieux et robustesse des voitures d’antan – tout en étant totalement inoffensive pour l’environnement. La Shared Propulsion Car fonctionne en effet sans moteur et se meut grâce à la seule et unique volonté de ses occupants. Plus de gaz polluants, plus de rejets toxiques et malodorants, plus de dépendance au pétrole, plus de danger pour les piétons, plus d’entretien coûteux : le nec plus ultra des moyens de locomotion ! Autre avantage de la Shared Propulsion Car : elle rend le covoiturage immédiatement productif et obligatoire. Pour avancer, vous aurez impérativement besoin de trois personnes à vos côtés. Ils partageront ainsi une expérience unique qui leur permettra non seulement de se rendre à destination, mais aussi d’affiner leurs gambettes avant l’été. Un esprit sain dans une voiture saine, une réponse ludique à notre folie consommatrice comme à la morosité des préceptes écologiques. Gageons que la bonne humeur des passagers gagnera vite les passants, étonnés et ravis devant cette solution révolutionnaire, et espérons que ce transfert de technologie de l'Amérique vers la France donne des idées. Nous assisterons peut-être dans les jours prochains au retrait massif des moteurs dans les voitures automobiles. Adaptation et traduction libre à partir du texte de Bernard Shutze

Shared propulsion car sera présentée dans le cadre d'une exposition collective Parking de sculptures (jusqu'au 31 décembre 2011) au Confort moderne à Poitiers.

Prochainement au Confort moderne, Less Playboy is More Cowboy le 1er, 2 et 3 juin avec l'intervention de We are the Painters.