samedi 11 juin 2016

Cervantes et les métamorphoses de Don Quichotte au Salon du livre rare

À l’occasion de la Journée mondiale du Livre et du Droit d’Auteur initiée par l’UNESCO, soutenue par le Ligue Internationale de la Librairie Ancienne, était organisée pendant le Salon une exposition consacrée à Miguel de Cervantes Saavedra, l’immortel auteur de Don Quichotte, disparu il y a 400 ans, le 23 avril 1616. Une sélection de documents et objets parmi les plus rares, les plus originaux issus de la collection personnelle de René CLUZEL, ancien membre du SLAM, met en lumière et à l’honneur ce grand auteur espagnol.


L’exposition se présentait en quatre volets :
· un choix d’éditions anciennes et modernes
· la Bibliothèque de Don Quichotte
· des traductions en diverses langues
· quelques « Enfantina » pour faire écho à la thématique de cette année : l’Enfance de l’art.

Etaient exposées notamment deux des plus anciennes éditions espagnoles du Quijote (1607 et 1611) ; los trabajos de Persiles y Sigismonda de 1617 ; la première traduction française complète de 1622 ; l’édition originale italienne des Nouvelles Exemplaires (1626) ; des éditions anglaises illustrées du XVIIIe ; la célèbre édition d’Ibarra (1780) ; une gravure érotique ancienne inédite ; les plus belles éditions illustrées du XIXe (Doré, Johannot, Urrabieta Vierge...) ; des éditions modernes (Lemarié, Dubout, Dali) ; des exemplaires uniques (une suite inconnue de gouaches aquarellées de la fin du XVIIIe) ; la maquette manuscrite et illustrée par Louis Icart (jamais publiée). Ainsi que des assiettes du second Empire ; des plaques de verre peint pour lanterne magique ; des sculptures en bronze ou en bois, des marionnettes, des BD, etc.
Pourquoi un tel engouement pour Cervantes ? Rappelons tout simplement (sans pour autant entrer dans l’exégèse de l’œuvre) qu’il s’agit du père du Roman Moderne mettant en scène le premier « anti-héros ». En espérant que cette exposition incite à lire ou à relire Don Quichotte dont le mythe a insidieusement occulté l’auteur !







Bronze de Pendule du XIXe représentant Cervantes
Lanterne magique et plaques de verre peints du XIXe représentant les aventures de Don Quichotte
www.salondulivrerare.paris

dimanche 5 juin 2016

Salon International du Livre rare, Fonds Patrimonial Jeunesse Heure Joyeuse

Cette année le Fonds Patrimonial Jeunesse Heure Joyeuse était l’invité d’honneur du Salon International du Livre Rare et de l’Autographe. Inaugurée en 1924, la bibliothèque l’Heure Joyeuse fut la première bibliothèque consacrée à la jeunesse en France. Elle a constitué, au fil des décennies, un très riche ensemble de livres pour enfants du 16e siècle à nos jours. Le fonds patrimonial a reçu au fil des années des dons importants provenant notamment d’éditeurs, comme Rageot et François Ruy-Vidal, ou de chercheurs et bibliophiles, comme Jean Glénisson. Le fonds patrimonial Heure Joyeuse se compose aujourd’hui de plus de 80 000 livres, dessins originaux, livres d’artistes et archives, il a rejoint la médiathèque Françoise Sagan lors de son ouverture en mai 2015. Consultable sur place, il dispose d’une salle spécifique, ainsi que d’un fonds de référence spécialisé sur la littérature pour l’enfance et la jeunesse en prêt, accessible à tous. La médiathèque Françoise Sagan fait partie du réseau des bibliothèques de la Ville de Paris, soit 58 bibliothèques de prêt et 16 bibliothèques patrimoniales et spécialisées, représentant ainsi le réseau des bibliothèques le plus important de France. Les axes forts qui structurent le fonds patrimonial Heure Joyeuse ont été mis à l’honneur au Grand Palais à travers des abécédaires, livres en tissu, livres à système, livres d’artistes, de coloriage, albums soviétiques, sans oublier un focus sur les ouvrages numérisés.









www.salondulivrerare-edition-2016

dimanche 15 mai 2016

Librairie Paul Jammes au Salon du Livre rare et de l’Autographe, Paris 2016.


Voici un aperçu de quelques beaux livres présentés au salon du livre rare par la librairie Paul Jammes.

Livre minuscule, LA FONTAINE, Fables, Paris, Deberny, 1850.


Jean DESMARETS de SAINT-SORLIN. Les morales d’Epictete de Socrate de Plutarque et de Seneque.
Au Chasteau de Richelieu. De l’imprimerie d’Estienne Migon, 1653.
Livre composé en “petite sedanaise” (Jean Jannon de Sedan) 
Cornelius BOISSENS, Promptuarium, première édition du livre du grand calligraphe hollandais, vers 1594.
Boissens est l’un des plus grands calligraphes hollandais, d’une époque et d'un pays où la calligraphie était un art hautement apprécié.

Il a publié trois livres d’écritures, celui-ci, qui est le premier, le Grammatographices en 1605 et les Exemplaren de 1617.”
Gerardus DE ROO, Annales (histoire de la famille de Habsbourg), 1621

Louis LUCE. Essai d’une nouvelle typographie ornée de vignettes, fleurons, trophées, filets, cadres et cartels inventés,
dessinés et exécutés par L.Luce, graveur du roi, pour son Imprimerie Royale.
“ Les caractères de Luce sont composés d’un romain qui fut mal accueilli à l’époque et n'eut aucun emploi, car il n’avait ni la lisibilité des types de Fournier ni la modernité des romains du roi de Grandjean. En revanche, son italique fut mieux reçue “ mon italique, dit-il, se rapproche beaucoup de lécriture bâtarde, par un supplément adapté à chaque caractère des italiques rondes ”. Mais la partie essentielle de son œuvre réside dans ses ornements à combinaisons employés avec un grand succès dans l’établissement royal puis impérial. Les armoiries du titre par exemple sont formées de sept éléments différents et interchangeables. Il sagit du répertoire complet de ses œuvres. L’ensemble de cette fonderie a été acheté par le roi pour la somme de cent mille livres.”







Bible de Robert Ier Estienne, précieux exemplaire ayant servi de lectionnaire dans l’abbaye de Saint-Didier, 1532.
Détail de la Bible de Robert Estienne, lettrine et annotations.


À lire un autre article sur la librairie : “Gloire à l’Imprimerie”.
www.librairiejammes.com

Librairie Alain Brieux au Salon du Livre rare et de l’Autographe 2016








Coup de cœur pour la librairie Alain Brieux au salon du livre rare. La librairie est une sorte de cabinet de curiosités scientifiques réunissant livres anciens et objets insolites. www.alainbrieux.com

samedi 14 mai 2016

Dix recettes d’immortalité de Salvador DALI à la librairie Solstices, au salon du livre rare à Paris


De tous les livres qu’il a créés, Dali précise que les Dix recettes d’immortalité est son préféré, le plus admirable, celui qui le reflète le mieux. La librairie Solstices a vendu ce livre pour la modique somme de 45 000 € au salon du livre rare alors que le livre a été vendu en 2011 chez Christies pour 32500 $. Pièce particulièrement prisée par les collectionneurs, les 14 exemplaires se sont vendus comme des petits pains.

DIX RECETTES D'IMMORTALITÉ, sommet dans l’œuvre graphique de Salvador Dali au faîte de sa gloire, déploie sous nos yeux tous les sortilèges de son génie lancé à la conquête de lImmortalité. Entièrement conçu, écrit et réalisé par lui, ce livre est tout un univers dalinien où se concentre la somme de sa pensée philosophique, poétique, esthétique et scientifique. Le texte, dun langage ésotérique, est authentifié par des informations nombreuses et précises. Salavador Dali la écrit de sa main ou la dicté ; il en a lui-même ordonné la présentation et sa forme originale est scrupuleusement respectée. À partir de documents iconographiques quil a choisis, Salvador Dali a gravé directement à la pointe sèche treize cuivres pour illustrer ses recettes. Il a également imaginé le montage de certaines gravures : ses premières gravures-objets. Louvrage est imprimé sur papier d'Auvergne à la cuve, spécialement fabriqué par Richard-de-Bas avec en filigrane une spirale de lImmortalité dessinée par Dali. La typographie du caractère Bodoni est enluminée par des lettrines en couleur que Dali a calligraphiées, de même que le titre de la couverture gaufré à lor fin. Lemboîtage, la poignée-téléphone, les œufs sur le plat-serrures et même les clefs sont aussi des créations de Dali. Louvrage a été pensé, écrit et illustré par Salvador Dali à Port-Lligat, Paris et New-York en 1971 et 1972.


Extrait du catalogue Solstices :

Salvador Dali. Dix Recettes d'Immortalité. Paris, Audouin-Descharnes, 1973 (cat. 18)


L'homme ressuscité par l'holographie de l'écureuil : « Donc voici la recette d'Immortalité holographique : avec un verre d'eau de Solarès, avaler de l'information holographique capable de faire apparaître des images contenant un maximum d'instantanéïté heureuse de résurrection. A la Persistance de la Mémoire... viendra s'ajouter la programmation volontaire du désir : l'image d'un écureuil sybaritique se réveillant pourra rendre l'homme immortel. »
Epitaphe de l'Immortalité : « On peut dire que chaque fois que nous nous trouvons en présence d'une spirale logarithmique on doit s'en servir pour une épitaphe garante d'Immortalité, que ce soit celle du tournesol déjà étudiée par Léonard de Vinci, celle du chou-fleur de Dali, ou celle plus exacte et suprême de l'archangélique corne de rhinocéros... »
Immortalité du Dalianus Galae : « Voici encore une recette : truffer l'Immortalité molle en la saupoudrant de dalianus Galae desséché de vie léthargique. »
Immortalité de Castor et Pollux : « Une nouvelle recette d'Immortalité s'impose donc d'elle-même : devenez par la théorie de l'informatique, jumeau de votre femme, ayez pour le même prix deux mémoires au lieu d'une et possiblement trois, ce qui rendra encore plus dense la persistance de l'Immortalité de votre mémoire. »
Immortalité tétraédrique du cube : « Recette d'Immortalité : l'humidité génétique de Velasquez pourra faire revivre les structures monarchiques intactes, somnolentes et solennelles. »
Immortalité de l'impérialisme génétique : « Sur l'escalier de Jacob chaque marche est un palier A.D.N et les anges montant et descendant sont l'A.R.N. L'intimité moléculaire de chaque échelon est un fleuron unique de légitimité de cet arbre de Jessé d'où toutes les autres légitimités découlent, Arbre de Jessé, floraison de l'Immortalité hyparxiologique de Francese Pujols, recette de l'Immortalité de Velasquez ! »
Anamorphose des anamorphoses et tout est hologrammorphose : « Les anamorphoses les plus réussies sont celles qui représentent la mort, concrètement, un crâne. Elles déforment par des voies optiques, étirent, rallongent légitimement l'existence vers le réseau du moiré des interférences qui nous ont amenés aujourd'hui à l'Immortalité des images enregistrées holographiquement grâce à la lumière cohérente du provisoire laser. »
La Sainte Trinité, Sainte persistance de la mémoire : « La vision binoculaire c'est la Trinité de la perception physique transcendante. Le Père, l'oeil droit, le Fils, l'oeil gauche et le Saint-Esprit, le cerveau, le miracle de la langue d-e feu, l'image lumineuse virtuelle devenue incorruptible, pure énergie, pur esprit, Saint-Esprit. »
Le système Caga I Menja : « Pour acquérir l'Immortalité, essayons donc, en bon catalan, de suivre l'intuition d'Esope – rapportée par Michel de Montaigne dans ses Essais – quand voyant quelqu'un pisser en marchant, il lui dit : Puisque tu pisses en marchant essaie de chier en courant ! Et j'ajoute en courant aussi vite que la lumière... »
Immortalité stéréoscopique de la monarchie : « La stéréoscopie immortalise et légitime la géométrie car grâce à elle nous avons la troisième dimension de la sphère. Avec l'univers qu'elle est capable de contenir et de limiter d'une façon auguste, immortelle, incorruptible et royale, et, par stéréochimie, avec l'odeur du dessous des ongles de Velasquez à qui j'offre le premier sonnet de ma vie : Sonnet aux pupilles de Velasquez / Gala de mes yeux. »

18. DALI (Salvador).
Dix recettes d'immortalité.- Un des 14 exemplaires nominatifs, avec deux suites des gravures signées sur japon nacré dont une à grandes marges, cuivres rayés, ainsi que l'ensemble des archives du livre provenant de l'éditeur. Paris, Audouin-Descharnes, 1973.
65 x 48 cm, 11 burins originaux avec héliogravure + 83 x 62,5,cm + 66,5 x 49 cm En feuilles, couverture originale imprimée à l'or, boîte originale par Henri Mercher en méthacrylate, poignée-objet en forme de téléphone en fonte par Keusseyan, deux fermoirs originaux avec leur clé, mors articulés, étui en toile brune de l'éditeur + deux boîtes toile éditeur titrées pour les deux suites + boîte toile pour les archives. Ensemble exceptionnel réunissant a) un des 14 exemplaires nominatifs de tête (tirage total de 250 exemplaires dont 40 h.c.) sur Auvergne de l'édition originale (ex. f., celui du fils de l'éditeur) du livre-objet dans sa boite-sculpture, sous étui éditeur, b) un portefeuille toilé titré de l'éditeur comportant un tirage spécial sur japon nacré de la suite des gravures, signées, visées et numérotées, un tirage des estampes rayées, non signées, non visées, non numérotées sur papier d'Auvergne et deux cuivres rayés (traces d'oxydation) c) un des 12 portefeuilles toilés titrés de l'éditeur avec épreuves H.C. des estampes sur japon nacré à grandes marges numérotées, visées et signées par l'artiste, certaines modifiées par rapport à celles du livre avec cadre et estampage or et gaufrage à sec d) un portefeuille avec la totalité des archives éditoriales du livre - contrats d'édition, lettres-contrats, correspondances signées par Dali, bons à tirer des gravures signés par Dali, correspondances avec R. Descharnes, tapuscrits, photographies, invitations, affiches, plaquettes de promotion du livre (y compris au Japon), archives techniques et comptables, essai de couverture en bleu,etc.

samedi 23 avril 2016

Heinz Mack Spectrum, galerie Perrotin


Heinz Mack, Lightgitter-Relief, 1984, galerie Perrotin Paris
Heinz Mack, Lightgitter-Relie (détail signature), 1984, galerie Perrotin Paris
Heinz Mack dans son atelier (1959?)
Heinz Mack, vue de l'exposition Spectrum, galerie Perrotin Paris
Heinz Mack, Maquette de “Stelen-Wald”, 1970/83galerie Perrotin Paris
Heinz Mack, vue de l'exposition Spectrum, galerie Perrotin Paris
Heinz Mack, vue de l'exposition Spectrum, galerie Perrotin Paris
Heinz Mack et Matthieu Poirier, salle de bal, galerie Perrotin Paris
Photographies Alice Bénusiglio
Je recommande la magnifique exposition rétrospective Spectrum présentant 70 œuvres de Heinz Mack à la galerie Emmanuel Perrotin. Est-ce parce que j’adore la musique de Thelonious Monk que je vois son nom inscrit partout ? La musique de ce pianiste de génie s’accorderait à merveille comme fond sonore. La recherche fondamentale sur les matériaux et la cohérence caractérisent l’œuvre de cet artiste majeur, peintre et sculpteur abstrait.

Communiqué de la galerie

Heinz MACK « Spectrum » (1950-2016) Curated by Matthieu Poirier
Galerie Perrotin, Paris / 23 avril - 4 juin 2016

En 1973, le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris présentait une importante rétrospective de l’oeuvre de Heinz Mack. Pourtant, les décennies suivantes, à mesure que la carrière de l’artiste prenait une ampleur internationale, sa présence s’amenuisait sur la scène artistique française. La présente exposition se propose dès lors de renouer avec ce réformateur essentiel de l’histoire de l’art abstrait. Avec le concours enthousiaste de l’artiste, de prêteurs et d’institutions de premier plan, j’ai retenu un ensemble conséquent de plus de soixante-dix œuvres dont certaines, très anciennes, n’ont jamais été montrées au public. Le parcours se déroulera exceptionnellement sur l’ensemble des espaces de la Galerie Perrotin à Paris et articulera différents formats, natures et périodes, afin de pointer certains des axes essentiels, pour ne pas dire « tout le spectre », d’une ample carrière.

Les toutes premières réalisations caractéristiques de Mack apparaissent autour de 1950, dans le cadre de la Kunstakademie de Düsseldorf, puis lors d’études de philosophie à l’université. L’artiste y privilégie d’emblée un langage volontiers abstrait et nonfiguratif, tout en étant déçu par la plupart des développements récents de ce courant, qu’il estime académiques et par trop redevables de la composition traditionnelle et de l’imagerie. L’avant-garde historique et les travaux de Malevitch, Rodtchenko, Mondrian ou encore Balla retiennent en revanche toute son attention. Rapidement, autour de 1953-54, il conçoit des tableaux, reliefs et sculptures selon une logique radicale, qui se déploie encore aujourd’hui dans sa pratique quotidienne, ceci de l’atelier de Mönchengladbach à celui d’Ibiza. Ce principe esthétique concerne ses nombreux voyages au Sahara où ses réalisations et actions, dès 1962, préfigurent le land art nord américain. La période 1957-1966 est une étape tout aussi cruciale : avec Otto Piene, puis Günther Uecker (qui les rejoint en 1962), Mack est le fondateur et l’animateur central de ZERO, une entité artistique à géométrie variable, pivot international du renouveau cinétique de l’abstraction dont Yves Klein ou encore Jesús Rafael Soto furent membres et dont, très récemment, de nombreuses institutions, avec le concours de la ZERO Fondation à Düsseldorf, ont tenté de rendre compte, du Guggenheim à New York au Stedelijk à Amsterdam, en passant par le Martin-GropiusBau à Berlin ou encore le Grand Palais à Paris, avec «DYNAMO» — dont j’avais par ailleurs proposé le titre en référence à l’usage récurrent qu’en fit Mack lui-même à cette époque historique. Les années 1970-80, quant à elles, relèvent d’une même singularité esthétique, et nombre des sculptures de Mack, dont de très nombreuses stèles et autres obélisques volontiers hors-échelle, engagèrent un dialogue fécond avec l’architecture et l’espace urbain, principalement à travers toute l’Allemagne.

D’une période à l’autre, la quête esthétique de Mack est une exploration constante, à la fois systématique et sensuelle, du spectre lumino-chromatique et de ses seuils perceptifs. Cet objectif immatériel prend chez l’artiste une dimension philosophique qui s’appuie, paradoxalement, sur des moyens hautement matériels et exploite la simplicité brute de matériaux naturels ou manufacturés, tels que la peinture, le métal, le bois, la pierre, le verre, le plexiglas ou encore le sable. La variabilité de la réalisation manuelle, à la fois contrôlée et aléatoire, ainsi que cette réduction primitiviste, font chez Mack le lit d’un exceptionnel déploiement phénoménologique. Dans ce cadre, le spectateur est amené à faire l’expérience tangible de la vision et à considérer le temps et l’espace comme des médiums à part entière.

Sur sa carte de visite, Heinz Mack se présente comme « sculpteur et peintre ». L’ordre de ces mentions est significatif en ce que la modulation de la matière dans l’espace y prévaut sur la création d’images à la surface du tableau. Autrement dit, même les toiles tendues sur châssis - des tableaux - de l’époque ZERO se trouvent chez Mack recouvertes d’empâtements abondants qui les tirent vers ce domaine intermédiaire de l’histoire de l’art qu’est le relief, situé entre peinture et sculpture, et dont les éléments forment une saillie conséquente par rapport au plan qui les reçoit. Leur apparence, toute aussi ambiguë, voire paradoxale, rend difficile toute fixation mentale ou photographique. Car l’œuvre de Mack n’existe que dans un double mouvement d’apparition et de disparition. La matière, instable, y est constamment rongée par l’obscurité ou la lumière. Il s’agit là d’un paradoxe, inhérent à l’histoire du cinétisme et de l’art perceptuel dont Heinz Mack fut un acteur central, entre l’évidence tangible du fait matériel et le mystère insoluble de ses effets.

– Matthieu Poirier

www.perrotin.com