lundi 23 novembre 2009
Ben Lewis, l'art s'explose
Le truculent critique d’art et journaliste Ben Lewis a signé un documentaire édifiant sur la spéculation dans l’art : l’art s’explose (titre original The Great Contemporary Art Bubble). Le documentaire a été diffusé sur Arte après l’avoir été sur BBC4 (diffusion mondiale sur les chaînes BBC, Arte, VPRO, DR, SVT, SF, ABC-Australia). Le journaliste dévoile à travers une enquête richement nourrie le mécanisme des bulles spéculatives dans l’art ainsi que les méthodes employées par les collectionneurs, les galeristes et Sotheby's pour pousser et faire perdurer de manière artificielle les cotes de certains artistes.
Ce documentaire tient en haleine le spectateur car il est monté comme une fiction, un thriller, avec en personnage principal Ben Lewis, sorte de détective au look immuable (costume, lunette, chapeau) en train de mener l’enquête à travers le monde dans sa petite voiture électrique transformée en œuvre d’art par Tobias Rehberger. On le voit jouer au billard avec le collectionneur Aby Rosen, assister aux ventes aux enchères de Sotheby’s, interroger des économistes, des collectionneurs, des experts de l’art, des politiques, journalistes et artistes. La nuit, il rêve des Marilyn de Warhol lui chuchotant des confidences suite à ses nombreuses interrogations.
Ben Lewis commence son film par une thèse alarmante. Selon lui, les œuvres deviennent de simples marchandises produites en séries, achetées par des collectionneurs qui les considèrent comme des placements financiers. Les privilèges accordés à quelques artistes sont exploités par une poignée de collectionneurs et marchands extrêmement riches afin d’obtenir toujours plus de profits. La thèse du critique d’art pourrait nous faire sourire s’il ne s’évertuait à nous prouver à travers de nombreux témoignages (et pas des moindres) que ce qu’il annonce est fondé. Il épingle notamment les méthodes frauduleuses de quelques acteurs majeurs de l’art contemporain : Larry Gagosian (le marchand d’art le plus puissant du monde), Jay Joplin (White Cube), le collectionneur Peter Brant et la maison de vente aux enchères Sotheby’s.
Il explique comment les collectionneurs et marchands se mettent d’accord pour renchérir sur certains artistes (Koons, Hirst par exemple) pour augmenter la cote de leurs artistes et la valeur de leur collection ou de leur stock. Le cercle vicieux des bulles spéculatives s’installe : si les prix ne progressent plus et cessent de flamber, ils s’effondrent. Ben Lewis évoque également le scandale de la banque UBS qui profitait de son rôle de sponsor sur la foire d’art contemporain de Miami Beach pour appâter de nouveaux clients à l’évasion fiscale. Enfin, pour finir le documentaire en beauté, cerise sur le gâteau : Damien Hirst évince ses deux galeristes (Gagosian et Joplin) pour vendre directement ses œuvres chez Sotheby’s le 15 septembre 2008. La vente atteint le record de 139 millions d'euros. Ses deux marchands sont obligés d’acheter quelques œuvres pour maintenir la cote de leur stock. Certes l’artiste Damien Hirst ne baigne pas encore à l’image de son œuvre The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living dans du formol, il n’en est pas moins un vrai requin.
à lire aussi, très bon article de Roxana Azimi
Peter Brant, collectionneur
à propos de Damien Hirst
l'œuvre la plus chère
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire