mercredi 29 juillet 2015

Hedi Slimane se prend pour Hedi Saint Laurent

Gia Carangi en YSL Rive Gauche, photographiée par Helmut Newton pour Vogue Paris, 1979
Photographie Helmut Newton, rue Aubriot, 1975, le tailleur-pantalon Yves Saint Laurent.
 En sortant la mode du studio, Newton a révolutionné le genre.
Photographie Helmut Newton, rue Aubriot, 1975
Hedi Slimane s'aime tellement qu'on se demande pourquoi il n'a pas rebaptisé la marque Yves Saint Laurent en « Moi, Hedi Saint Laurent ». Le prénom du créateur défunt le dérangeait, alors il le supprime en décidant de renommer la marque « Saint Laurent Paris ». Au passage, il en profite pour mettre de côté le monogramme de Cassandre en recopiant maladroitement un vieux logo des années 1960 utilisé à l'époque pour représenter Saint Laurent Rive Gauche. J'avais écrit un article à ce sujet : Le nouveau logo Saint Laurent.
Malheureusement la mégalomanie du designer ne s'arrête pas là. Un article de Pierre Groppo annonce sur le site de Vogue Paris « Hedi Slimane réinvente l'esprit couture d'Yves Saint Laurent ». L'entrée en matière est dithyrambique : « C’est au cœur de la Rive Gauche, dans un hôtel particulier du XVIIe siècle entièrement rénové et décoré par Hedi Slimane que seront installés les ateliers « Flou » et « Tailleur ». Une proposition pur luxe, numérotée et signée du légendaire logotype de Cassandre ». Tout un programme richement illustré par un diaporama signé Hedi Slimane naturellement.
La première photographie semble être un autoportrait. Elle révèle à merveille la personnalité du designer : on le voit dans une pièce glaciale fraîchement rénovée de l'hôtel de Sénecterre, il baisse la tête et semble observer son nombril, une occupation qui doit lui prendre beaucoup de temps. Les autres photographies présentent la fameuse « réinvention de l'esprit couture d'YSL » à travers des clichés imitant l'univers d'Helmut Newton. Une fois de plus, Slimane copie gauchement une esthétique et la vide de son sens. Tout l'esprit de Newton a disparu. Son humour, son érotisme, sa sensualité sont absents. Les clichés de Slimane présentent des mannequins sans forme comme des petits soldats de plomb désenchantés, plantés dans la nouvelle maison de couture du 24, rue de l'Université. Un décor riche et austère situé dans l'hôtel de Sénecterre, monument historique construit par Thomas Gobert, architecte et ingénieur pour le Roi Soleil.
L'austérité ne concerne pas uniquement le décor, les vêtements sont également tristes à mourir. Le tailleur-pantalon et le fameux smoking d'Yves Saint Laurent ont été slimanisés. Une coupe au scalpel efface le corps de la femme. Des jeunes filles au regard absent sont juchées sur des talons aiguilles droites comme des i avec des jambes en forme de bâton. Les quelques robes présentées ne ressemblent à rien. On ajoute ici ou là un nœud autour du cou pour faire semblant d'habiller une femme. Bref c'est pathétique. Tout le monde se pâme devant le génie rock 'n' roll de la mode mais le travail de Slimane n'est que rigidité et prétention. Il n'a fait preuve d'aucune créativité concernant le vestiaire féminin et semble renier le corps des femmes. Il manque deux qualités majeures à Slimane pour être un bon créateur : l'inspiration et la grâce.Yves Saint Laurent disait : « Rien n'est plus beau qu'un corps nu. Le plus beau vêtement qui puisse habiller une femme ce sont les bras de l'homme qu'elle aime. Mais pour celles qui n'ont pas eu la chance de trouver ce bonheur, je suis là ». Yves Saint Laurent sublimait la femme en empruntant au vestiaire masculin sans effacer la féminité. Slimane transforme la femme en grotesque pantin désincarné. Il ne s'est pas contenté d'amocher le nom de la maison Yves Saint Laurent, il a tué son âme. Hedi Slimane n'aime que Slimane. Il incarne la toute puissance de l'argent dénuée de talent. Il plagie grossièrement le passé en voulant faire passer du prêt-à-porter pour de la haute couture, une appellation juridiquement protégée que la maison avait perdue après les adieux d'Yves Saint Laurent en 2002. Que Slimane crée une marque à son nom plutôt que de salir celui des autres.
Photographie Hedi Slimane, Saint Laurent Paris, campagne "24, rue de l'Université", juin 2015
Le nouveau logo Saint Laurent
L'express : Hedi Slimane lance une ligne privée "couture" chez Saint Laurent
The Independent : Is Saint Laurent creative director Hedi Slimane dishonouring the great man's legacy ?

jeudi 9 juillet 2015

Beauté Congo 1926-2015 Congo Kitoko à la Fondation Cartier

JP Mika, La Nostalgie, 2014
JP Mika, Mandela dignité pour l'Afrique, 2014
Chéri Chérin, Parle menteurs des parties pourritiques, 2011
Chéri Samba, Little Kadogo – I am for Peace, That is why I like Weapons, 2004
La Fondation Cartier présente actuellement une exposition foisonnante intitulée Beauté Congo 1926 – 2015 Congo Kitoko commissionnée par André Magnin. Celle-ci retrace d'une manière transversale la production artistique aussi riche qu'éclectique de la République démocratique du Congo de l'époque coloniale à aujourd'hui.
Les peintures des « artistes populaires » JP Mika, Chéri Chérin ou Chéri Samba semblent avoir le même rôle que le dessin de presse : éveiller les consciences. La dimension politique conditionne toujours les artistes de la jeune génération, Pathy Tshindele représente les chefs d'état habillés en rois Kuba dans sa série It's My Kings, dénonçant ainsi le rôle néfaste des superpuissances mondiales dans la politique africaine (Nicolas Sarkozy a son portrait). Sammy Baloji utilise le photo-montage pour confronter l'histoire coloniale belge à l'histoire contemporaine du Congo dans sa série Congo Far West.


Pierre Bodo, Femme surchargée, 2005
Sammy Baloji, Congo Far West
Pathy Tshindele, It's My Kings
Au sous-sol sont exposées les fabuleuses « architectures maquettiques » de Bodys Isek Kingelez représentant des cités idéales à partir de matériaux de récupération : Ville fantôme, La ville de Sète en 3009, puis plus loin on aperçoit La cité des étoiles de Rigobert Nimi, une extraordinaire maquette rétro-futuriste animée.

Vue de l'exposition, au premier plan maquette de Bodys Isek Kingelez, La ville de Sète en 3009,
au second plan tableaux de Moke
Vue de l'exposition, au premier plan maquette de Bodys Isek Kingelez, Ville Fantôme
Rigobert Nimi, La cité des étoiles, 2006
Enfin, l'exposition s'achève avec des œuvres plus anciennes de l'école d'Elisabethville, rappelant la peinture naïve et l'art brut. Les œuvres stylisées avec des personnages filiformes de Mode Muntu sont admirables. La dernière salle présente « Les précurseurs » de la fin des années 1920, des peintres de case, Albert Lubaki et Djilatendo, ont retranscris leurs œuvres à travers des aquarelles.

Mode Muntu, Kusaidia, l’entraide, 1980, 
Collection Michaël De Plaen. © Mode Muntu. Photo © Michaël De Plaen
Je recommande cette exposition pour la diversité et la richesse des œuvres présentées. Elle illustre la complexité du contexte politique et social de la République démocratique du Congo ainsi que son histoire.

L'exposition Beauté Congo 1926 – 2015 Congo Kitoko est visible jusqu'au 15 novembre 2015 à la Fondation Cartier.
L'article de Roxana Azimi, Beauté Congo, l'exposition qui restitue l'énergie débridée de Kinshasa
fondation.cartier.com