Au musée de l'homme, présentation de la collection printemps été 2010. La marque a été créée en 2004 par une styliste textile indienne, Peachoo Datwani, et le Danois Roy Krejberg, ancien directeur artistique de Kenzo Homme.
Le public et l'ambiance sont agréables. Le star système de la mode n'est pas là, il s'est enfui de chez Rochas pour aller au Palais de Tokyo où va défiler Gareth Pugh. Le nouveau génie de la galaxie mode.
Il reste donc les professionnels consciencieux et les amateurs passionnés pour assister à ce défilé présentant des silhouettes aux coupes décomposées agrémentées de superpositions. On alterne entre blanc et noir en passant par l'argent, le lamé, les broderies noires et argent.
mercredi 30 septembre 2009
mardi 29 septembre 2009
Exposition Erwin Olaf jusqu'au 17 octobre chez Magda Danysz
On se souvient de l'exposition récente du maître de la photographie Néerlendaise à l'Institut Néerlandais qui était tout simplement éblouissante et virtuose. Nous avions apprécié les séries Rain, Hope, Grief, Fall et ce fameux film très drôle et grinçant "the latest fashion"
Le dernier Cri, à travers lequel l'artiste nous présente les canons de beauté du futur.
Erwin Olaf, Cena in Emmaus, Caravaggio, 2008.Série Laboral Escena, Gijon © Courtesy galerie Magda Danysz
L'exposition à la galerie Magda vient compléter notre vision sur le travail de l'artiste. Elle mêle des séries anciennes et récentes.Les récentes : Laboral Escena est un hommage aux œuvres des maîtres espagnols tels que Velazquez, El Greco, Zurbaran et la série Dusk présente des portraits de familles Afro-américaines du début du 20ème siècle.Les anciennes : Mature est une série de portraits de vieilles dames posant en pin-up. J'adore cette idée de montrer des corps vieillissants, sans détour, avec une touche d'humour sexy. L'artiste pose un regard tendre et amusé sur ses modèles. Le portrait de Cindy qui fait du vélo d'appartement en petite culotte tricotée Chanel et hauts talons ornés de strass est particulièrement charmant et rigolo.On peut revoir aussi la série Royal Blood au premier étage, dont on ne se lasse pas. La Tsarine Alexandra et son œuf Fabergé est une merveille.
Série Mature. CINDY C. 75, 1998 ©Studio Erwin Olaf
Jusqu'au 17 octobre. Galerie Magda Danysz (entrée libre), 78 rue Amelot, 11e, Paris. 01.45.83.38.51. http://www.magda-gallery.com/ . Ouvert du mardi au vendredi de 11 h à 19 h et le samedi de 14 h à 19 h.
Naïade sur Arte le 9 octobre à 23h45
Je recommande à tout le monde le très bon film d'animation de Nadia Micault et Lorenzo Nanni : Naïade. A ne manquer sous aucun prétexte sur arte dans l'émission Court circuit le 9 Octobre à 23h45. Ce film nous plonge dans un univers fantastique, poétique parfois inquiétant très original. Il n'y a pas de dialogue, mais une musique et des bruitages assurés par Emmanuel Deruty en parfait accord avec l'esthétique fabuleuse du film.
http://www.naiade-film.com/
Yasmina Khadra, La véritée dévoilée
Lorsque j’ai commencé à lire les romans policiers de Yasmina Khadra, j’ai bien sûr cru qu’il s’agissait d’une écrivaine ; j’avais vu des films réalisés par des cinéastes maghrébines qui n’y allaient pas par quatre chemins pour dire quelle vie périlleuse attendaient ceux et celles qui ne se laissaient pas faire. Quand j’ai su que c’était un homme, j’ai apprécié qu’il ait choisi un pseudo féminin, ce qui est rare pour un écrivain ; on voyait (voit ?) surtout des romancières, des poétesses, écrire sous un nom masculin. Franchement, naïvement, j’y ai vu un hommage aux femmes, ce que confirme d’ailleurs Brahim Llob, dans L’automne des chimères, quand il répond à un personnage particulièrement odieux qui l’apostrophe ainsi :
— Alors, tu t’appelles Yasmina Khadra, maintenant ? Sincèrement, tu as pris ce pseudo pour séduire le jury du prix Fémina et pour semer tes ennemis ?
— C’est pour rendre hommage au courage de la femme. Parce que, s’il y a bien une personne à les avoir en bronze, dans notre pays, c’est bien elle.
Donc, bien que féministe depuis plus de quarante ans, je ne partage nullement l’indignation des caricatures de journalistes et d’écrivains évoqués dans L’imposture des mots, et qui cherchent une mauvaise querelle à Mohammed Moulessehoul pour le choix réfléchi et justifié de ce nom de plume.
Le Commissaire Llob est un personnage complexe, humain et attachant. C’est par une de ses enquêtes que j’ai découvert Yasmina Khadra. Sans être interchangeables, l’auteur et son héros se ressemblent ; essayons donc de mieux connaître le commissaire, il le mérite, et comme sa carrière est finie, on peut travailler sur lui comme sur une langue morte.
Qui est Llob ? Né en 1939, au temps colonial, il rappelle volontiers son enfance au village, par exemple dans L’automne des chimères : « Pauvres sans être malheureux, enclavés mais pas isolés, nous étions une tribu et nous savions ce que ça signifiait… Nous étions une race d’hommes libres, et nous nous préservions du monde. » Authentique combattant, héros de la guerre d’indépendance, il entre ensuite dans la police ; devenu commissaire, lucide, intègre, jamais courtisan, il est largement distancé par d’autres conscrits plus réalistes qui lui font amicalement (?) la leçon. « Ce n’est pas un pays que nous servons, mais des hommes… »
« il faut être un sacré taré pour continuer d’aimer et de faire confiance dans un pays où chacun s’évertue à abuser de l’autre pour survivre… » « Le savoir est le pire malheur qui puisse arriver à un homme dans une république gérée par des charlatans… » Malheur à l’honnêteté et à l’intelligence ; sur un épais tapis de corruption, dans un humus bien gras de prévarication et de népotisme, le dégoût et l’écœurement vont laisser croître et prospérer les nouveaux prophètes, aussi répugnants. Dans Morituri, Llob réfléchit : « Je regarde le gourou sur la photo : vingt huit ans. Jamais à l’école. Jamais de boulot. Des pérégrinations messianiques à travers l’Asie, des prêches d’une virulence absolue et une haine implacable à l’encontre du monde entier. Et le voici qui s’érige en redresseurs de torts : trente quatre assassinats, deux tomes de fetwa, un harem dans chaque maquis et un sceptre à chaque doigt. »
Difficile d’être un flic honnête, et inconfortable d’être un intellectuel en pays algérien. C’est le cas d’un psychanalyste (La part du mort ). « Très vite, notre éminent savant s’aperçut que les égards de ses confrères occidentaux n’étaient que des pièges succulents… on ne l’applaudissait plus pour ses recherches ; on saluait ses prises de position contre la dictature qui sévissait au bled. » Ce sentiment d’être manipulé par les medias occidentaux est aussi celui du Dr Jalal, dans Les sirènes de Bagdad, qui, avant de virer intégriste, était, selon lui, considéré comme le «bougnoule de service». C’est certainement juste. Mais si on veut penser autrement qu’en termes d’anéantissement de l’autre, il faut bien qu’il y en ait qui tentent de construire des ponts, de tisser des liens ; c’est ce qu’essaie d’expliquer l’ami écrivain du Dr Jalal.
— Nous avons un instrument inouï entre les mains : notre double culture… L’Occident est dans le doute, d’où le dialogue de sourds opposant la pseudo modernité et la pseudo barbarie.
— L’Occident n’est pas moderne : il est riche. Les barbares ne sont pas barbares, ils sont pauvres, et n’ont pas les moyens de leur modernité.
— Tout à fait d’accord avec toi ; et c’est là que nous intervenons pour remettre les choses à leur place, modérer les tempéraments, réajuster les regards, proscrire les stéréotypes à l’origine de cette effroyable méprise. Nous sommes le juste milieu, l’équilibre des choses.
Sera-t-il entendu ? C’est à espérer, sinon, si les Occidentaux « persistent à cracher sur ce que nous avons de meilleur, ils seront obligés de composer avec ce que nous avons de pire. »
L’incompréhension, la méprise, le mépris, l’inculture, font naître la haine de l’Occident et, même chez les « assimilés », la conversion au terrorisme.
Une séquence emblématique dans Les sirènes de Bagdad : un simple d’esprit considéré comme un terroriste possible par un sergent américain (pas très dégourdi du cerveau non plus) est abattu lors d’un contrôle. Enquête, l’armée d’occupation reconnaît la bavure, et par souci de réparation, propose une indemnité aux parents du jeune homme tué. Ce « prix du sang » est considéré comme l’insulte majeure. « Le colonel américain était sincèrement désolé. Son unique tort : il n’aurait pas dû parler d’argent… on ne parle jamais d’argent à quelqu’un qui porte le deuil. Aucune compensation ne pourrait minimiser le chagrin d’un père effondré sur la tombe de son enfant. Sans l’intervention de Doc Jabir, cette histoire d’indemnisation aurait viré à l’affrontement. » Dans le même roman, Sayed, chef d’une cellule terroriste, assez bien inspiré ici, endoctrine son groupe : « Ils ignorent ce que sont nos coutumes, nos rêves et nos prières. Ils ignorent surtout que nous avons de qui tenir, que notre mémoire est intacte. Que connaissent-ils de la Mésopotamie, de cet Irak fantastique qu’ils foulent de leurs rangers pourris ? De la tour de Babel, des jardins suspendus, de Haroun-al-Rachid, des Mille et Une Nuits ? Rien ! Ils ne voient en notre pays qu’une immense flaque de pétrole…»
Ignorance pour ignorance, celle des jeunes terroristes vaut souvent celle des occupants. Le fanatisme fait bon ménage avec la jeunesse inculte ; il est lié au vide du cerveau et à l’énergie, qui sera maximale si elle n’est pas gênée par la réflexion. Dans ces groupuscules, penser, c’est déjà trahir.
Beaucoup plus difficile à comprendre est le terrorisme des « assimilés ». Dans L’attentat, la kamikaze qui se fait exploser est la femme aimée d’un chirurgien, Amine, Arabe israélien ; le couple paraissait parfaitement intégré. Un ami policier d’Amine réfléchit avec lui à propos de cette conversion. « Je crois que les terroristes les plus chevronnés ignorent vraiment ce qui leur arrive… un déclic quelque part dans le subconscient. Après, tu ne regardes plus le monde de la même manière. Le monde d’ici, tu ne veux plus en entendre parler… La seule façon de rattraper ce que tu as perdu, c’est de finir en beauté : te transformer en feu d’artifice au beau milieu d’un bus scolaire. »
Là, c’est l’humiliation qui est le cataclysme. Le désespoir de ne compter pour rien est dompté par une évidence : les autres sont vulnérables, je peux les dominer. Dans une de ces formules dont il a le secret, Khadra fait dire à un personnage : « Entre s’intégrer et se désintégrer, la marge de manœuvre est si étroite… » L’auteur a le mérite de poser une question essentielle, vitale. Au moins, on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.
L’écrivain ne sait pas résoudre les problèmes sociaux, il ne se considère pas comme un prophète, il n’est qu’un témoin. Mais lorsqu’il dévoile une réalité aussi forte, la lecture décoiffe ; je le comparerai à André Brink lorsqu’il parlait de l’apartheid. Une telle œuvre, aujourd’hui, est une nourriture indispensable. Et je n’ai pas parlé du style, très vivant, riche, inventif, une langue facile et souvent drôle, qui peut aller chercher des comparaisons dans l’imaginaire arabe comme des répliques percutantes, jeux de mots venus de la pauvreté, de la désillusion et de la rue. Cette langue se goûte, même si parfois c’est « trop », comme le reconnaît, lucide et impitoyable, le narrateur. Mais ne boudons pas notre plaisir ; face à certains textes exsangues, il est reconstituant de lire quelqu’un qui, depuis qu’il était surnommé « l’écrivain » dans son école de cadets, est fasciné par les mots. « Tout de suite je sus ce que je voulais le plus au monde : être une plume au service de la littérature, cette sublime charité humaine qui n’a d’égale que sa vulnérabilité…le dernier bastion contre l’animalité, et qui, s’il venait à céder, ensevelirait sous ses éboulis les soleils du monde. »
article écrit par Nicole Labonne
publié dans le numéro deux
de Kaléido.
http://www.yasmina-khadra.com/
— Alors, tu t’appelles Yasmina Khadra, maintenant ? Sincèrement, tu as pris ce pseudo pour séduire le jury du prix Fémina et pour semer tes ennemis ?
— C’est pour rendre hommage au courage de la femme. Parce que, s’il y a bien une personne à les avoir en bronze, dans notre pays, c’est bien elle.
Donc, bien que féministe depuis plus de quarante ans, je ne partage nullement l’indignation des caricatures de journalistes et d’écrivains évoqués dans L’imposture des mots, et qui cherchent une mauvaise querelle à Mohammed Moulessehoul pour le choix réfléchi et justifié de ce nom de plume.
Le Commissaire Llob est un personnage complexe, humain et attachant. C’est par une de ses enquêtes que j’ai découvert Yasmina Khadra. Sans être interchangeables, l’auteur et son héros se ressemblent ; essayons donc de mieux connaître le commissaire, il le mérite, et comme sa carrière est finie, on peut travailler sur lui comme sur une langue morte.
Qui est Llob ? Né en 1939, au temps colonial, il rappelle volontiers son enfance au village, par exemple dans L’automne des chimères : « Pauvres sans être malheureux, enclavés mais pas isolés, nous étions une tribu et nous savions ce que ça signifiait… Nous étions une race d’hommes libres, et nous nous préservions du monde. » Authentique combattant, héros de la guerre d’indépendance, il entre ensuite dans la police ; devenu commissaire, lucide, intègre, jamais courtisan, il est largement distancé par d’autres conscrits plus réalistes qui lui font amicalement (?) la leçon. « Ce n’est pas un pays que nous servons, mais des hommes… »
« il faut être un sacré taré pour continuer d’aimer et de faire confiance dans un pays où chacun s’évertue à abuser de l’autre pour survivre… » « Le savoir est le pire malheur qui puisse arriver à un homme dans une république gérée par des charlatans… » Malheur à l’honnêteté et à l’intelligence ; sur un épais tapis de corruption, dans un humus bien gras de prévarication et de népotisme, le dégoût et l’écœurement vont laisser croître et prospérer les nouveaux prophètes, aussi répugnants. Dans Morituri, Llob réfléchit : « Je regarde le gourou sur la photo : vingt huit ans. Jamais à l’école. Jamais de boulot. Des pérégrinations messianiques à travers l’Asie, des prêches d’une virulence absolue et une haine implacable à l’encontre du monde entier. Et le voici qui s’érige en redresseurs de torts : trente quatre assassinats, deux tomes de fetwa, un harem dans chaque maquis et un sceptre à chaque doigt. »
Difficile d’être un flic honnête, et inconfortable d’être un intellectuel en pays algérien. C’est le cas d’un psychanalyste (La part du mort ). « Très vite, notre éminent savant s’aperçut que les égards de ses confrères occidentaux n’étaient que des pièges succulents… on ne l’applaudissait plus pour ses recherches ; on saluait ses prises de position contre la dictature qui sévissait au bled. » Ce sentiment d’être manipulé par les medias occidentaux est aussi celui du Dr Jalal, dans Les sirènes de Bagdad, qui, avant de virer intégriste, était, selon lui, considéré comme le «bougnoule de service». C’est certainement juste. Mais si on veut penser autrement qu’en termes d’anéantissement de l’autre, il faut bien qu’il y en ait qui tentent de construire des ponts, de tisser des liens ; c’est ce qu’essaie d’expliquer l’ami écrivain du Dr Jalal.
— Nous avons un instrument inouï entre les mains : notre double culture… L’Occident est dans le doute, d’où le dialogue de sourds opposant la pseudo modernité et la pseudo barbarie.
— L’Occident n’est pas moderne : il est riche. Les barbares ne sont pas barbares, ils sont pauvres, et n’ont pas les moyens de leur modernité.
— Tout à fait d’accord avec toi ; et c’est là que nous intervenons pour remettre les choses à leur place, modérer les tempéraments, réajuster les regards, proscrire les stéréotypes à l’origine de cette effroyable méprise. Nous sommes le juste milieu, l’équilibre des choses.
Sera-t-il entendu ? C’est à espérer, sinon, si les Occidentaux « persistent à cracher sur ce que nous avons de meilleur, ils seront obligés de composer avec ce que nous avons de pire. »
L’incompréhension, la méprise, le mépris, l’inculture, font naître la haine de l’Occident et, même chez les « assimilés », la conversion au terrorisme.
Une séquence emblématique dans Les sirènes de Bagdad : un simple d’esprit considéré comme un terroriste possible par un sergent américain (pas très dégourdi du cerveau non plus) est abattu lors d’un contrôle. Enquête, l’armée d’occupation reconnaît la bavure, et par souci de réparation, propose une indemnité aux parents du jeune homme tué. Ce « prix du sang » est considéré comme l’insulte majeure. « Le colonel américain était sincèrement désolé. Son unique tort : il n’aurait pas dû parler d’argent… on ne parle jamais d’argent à quelqu’un qui porte le deuil. Aucune compensation ne pourrait minimiser le chagrin d’un père effondré sur la tombe de son enfant. Sans l’intervention de Doc Jabir, cette histoire d’indemnisation aurait viré à l’affrontement. » Dans le même roman, Sayed, chef d’une cellule terroriste, assez bien inspiré ici, endoctrine son groupe : « Ils ignorent ce que sont nos coutumes, nos rêves et nos prières. Ils ignorent surtout que nous avons de qui tenir, que notre mémoire est intacte. Que connaissent-ils de la Mésopotamie, de cet Irak fantastique qu’ils foulent de leurs rangers pourris ? De la tour de Babel, des jardins suspendus, de Haroun-al-Rachid, des Mille et Une Nuits ? Rien ! Ils ne voient en notre pays qu’une immense flaque de pétrole…»
Ignorance pour ignorance, celle des jeunes terroristes vaut souvent celle des occupants. Le fanatisme fait bon ménage avec la jeunesse inculte ; il est lié au vide du cerveau et à l’énergie, qui sera maximale si elle n’est pas gênée par la réflexion. Dans ces groupuscules, penser, c’est déjà trahir.
Beaucoup plus difficile à comprendre est le terrorisme des « assimilés ». Dans L’attentat, la kamikaze qui se fait exploser est la femme aimée d’un chirurgien, Amine, Arabe israélien ; le couple paraissait parfaitement intégré. Un ami policier d’Amine réfléchit avec lui à propos de cette conversion. « Je crois que les terroristes les plus chevronnés ignorent vraiment ce qui leur arrive… un déclic quelque part dans le subconscient. Après, tu ne regardes plus le monde de la même manière. Le monde d’ici, tu ne veux plus en entendre parler… La seule façon de rattraper ce que tu as perdu, c’est de finir en beauté : te transformer en feu d’artifice au beau milieu d’un bus scolaire. »
Là, c’est l’humiliation qui est le cataclysme. Le désespoir de ne compter pour rien est dompté par une évidence : les autres sont vulnérables, je peux les dominer. Dans une de ces formules dont il a le secret, Khadra fait dire à un personnage : « Entre s’intégrer et se désintégrer, la marge de manœuvre est si étroite… » L’auteur a le mérite de poser une question essentielle, vitale. Au moins, on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.
L’écrivain ne sait pas résoudre les problèmes sociaux, il ne se considère pas comme un prophète, il n’est qu’un témoin. Mais lorsqu’il dévoile une réalité aussi forte, la lecture décoiffe ; je le comparerai à André Brink lorsqu’il parlait de l’apartheid. Une telle œuvre, aujourd’hui, est une nourriture indispensable. Et je n’ai pas parlé du style, très vivant, riche, inventif, une langue facile et souvent drôle, qui peut aller chercher des comparaisons dans l’imaginaire arabe comme des répliques percutantes, jeux de mots venus de la pauvreté, de la désillusion et de la rue. Cette langue se goûte, même si parfois c’est « trop », comme le reconnaît, lucide et impitoyable, le narrateur. Mais ne boudons pas notre plaisir ; face à certains textes exsangues, il est reconstituant de lire quelqu’un qui, depuis qu’il était surnommé « l’écrivain » dans son école de cadets, est fasciné par les mots. « Tout de suite je sus ce que je voulais le plus au monde : être une plume au service de la littérature, cette sublime charité humaine qui n’a d’égale que sa vulnérabilité…le dernier bastion contre l’animalité, et qui, s’il venait à céder, ensevelirait sous ses éboulis les soleils du monde. »
article écrit par Nicole Labonne
publié dans le numéro deux
de Kaléido.
http://www.yasmina-khadra.com/
lundi 28 septembre 2009
Magazine Purple(s)
Purple Prose, Purple Fiction, Purple Fashion, Purple Sexe, Purple, Hélène, Le Purple journal. On s’y perd un peu. Purple, un magazine en mutation qui s’invente et se réinvente. Les versions sont nombreuses et parlent de l’art contemporain, la mode, le sexe, la vie. Le magazine marque les années 90 par sa forme débridée et avant-gardiste faisant participer une sélection d’artistes, créateurs, photographes aujour- d’hui largement reconnus. Ses fondateurs, Elein Fleiss et Olivier Zahm à la fois rédacteurs en chef et critiques d’art mirent à disposition des artistes un nouveau support d’intervention, Purple Prose.
1992, Elein Fleiss tenait une galerie rue Bonaparte où elle organisait des expositions (Rêve, fantaisies, L’esprit bibliothèque, One+One). Elle partageait sa vie avec Olivier Zahm. De ce couple fusionnel, ce tourbillon autour duquel gravite toute une communauté d’artistes, va naître Purple Prose, un journal aux allures de fanzine maquetté dans la confidence de la nuit par Closky et Elein Fleiss. Le journal parle d’art contemporain, de mode, de photo, de vidéo, cinéma à travers une vision internationale (on alterne entre le français et l’anglais – quand ce n’est pas du japonais – tout au long d’un numéro) et libre (en rupture avec l’idée que l’on se faisait du produit magazine et même de l’art à cette époque). Le comité de rédaction est composé d’artistes et critiques : Dike Blair, Anne Frémy, Christophe Brunnquell, Dominique Gonzalez-Foerster, Bernard Joisten, François Roche, Jean-Luc Vilmouth.
« Depuis le début : voyages, rencontres, expositions, textes… notre amour n’a cessé de se porter hors de lui-même vers l’idée d’une communauté non-conjugale à inventer dans la fêlure même de toute communauté, littéralement délitée par l’effondrement des années 80 qui n’en finissaient pas de s’écrouler sur nos têtes et nos lèvres (le ressassement fin de siècle : fin de l’art, fin du politique, fin des avant-gardes, etc.). On n’en pouvait plus du tout… de ce postmodernisme délétère et moribond qui fusionnait si bien avec le croupissement conservateur parisien. On ne se reconnaissait plus dans rien. Dans aucune exposition. Dans aucun film. Dans aucun magazine (d’art ou de mode). On n’était pas contemporain du présent, ni du passé, mais uniquement de notre histoire à nous deux, entraînant celles des autres dans ce qui allait être Purple Prose (l’écriture de cette même histoire). Et on détestait Paris. »
olivier zahm – purple 14 winter 2003
Purple Prose est un journal différent (en dehors du journalisme, de la critique ou de la théorie), l’expression expérimentale d’une nouvelle communauté d’artistes, critiques. Les textes sont personnels, intimistes parfois regroupés sous forme de thèmes (Violet violence, Rêver, l’été indien, post sexe) eux mêmes liés à des expositions (L’hiver de l’amour en 1994 au musée d’art moderne). La revue est élitiste et s’adresse au milieu de l’art, elle fut dans un premier temps distribuée au musée d’Art moderne de Paris.
La forme du journal est expérimentale sans être amatrice, Christophe Brunnquell et Anne-Iris Guyonnet, graphistes venus du journal Encore, se chargent de la direction artistique en s’inspirant du travail déconstructiviste de David Carson (Ray gun). Le graphisme est éclaté, confus, les couches se superposent, la lisibilité est évincée. Pas deux articles sont mis en page de la même manière, ça bouge dans tous les sens, ça fuse, ça crie, ça chuchote, ça vit et coïncide avec l’idée de faire un autre magazine.
« faire un magazine, du moins s’intéresser à ce lien entre ses acteurs et ses lecteurs, c’était créer un site mouvant, un espace nouveau de rapport aux rapports faits de contacts, d’ouvertures, de dialogues, de résonances, de conjonctions. Il s’agissait donc en 1992 d’aller à plusieurs, dans le sens d’une communauté en formation permanente, en échappant aux règles et mots d’ordre de la communication spectaculaire (le produit magazine) »
olivier zahm – purple 14 winter 2003
Petit à petit Purple va devenir protéiforme. A partir de 1995, parallèlement à Purple Prose vont être édités : Purple Fiction, Purple Fashion puis plus tard Purple Sexe. Les premiers purple fashion avaient une forme intéressante, petit format (18,5 cm x 13 cm), ils mêlent l’art et la mode de façon très étroite. Peu de textes et beaucoup d’images. Le numéro 2 du Purple Fashion (1997) regroupaient d’excellents collaborateurs notamment les photographes : Mark Borthwick, Anders Edström, Marina Faust, Takashi Homma, Mario Sorrenti, Inez van Lamsweerde et Vinoodh Matadin, Camille Vivier ; les artistes : Martine Aballéa, Vanessa Beecroft, Dominique Gonzalez-Foerster ; et les créateurs : Martin Margiela, Viktor & Rolf, Hussein Chalayan, Helmut Lang, Junya Watanabe.
En 1998, tous les Purple (Fashion, Prose, Fiction) indépendants fusionnent en un seul magazine : Purple. Le magazine devient une grosse machine tournée vers la mode avec toujours des entrées sur l’art, la fiction. Les collaborateurs sont nombreux, une petite centaine environ, réunis dans un luxueux pavé de 450 pages glacées au format proche d’un livre plutôt que d’un magazine. La publicité menée par Geraldine Postel prend une part importante dans le magazine.
La façon de montrer la mode est libre, loin des contraintes habituelles. Les modèles ne sont pas forcément des mannequins et les photos peuvent être floues dans tout type de décor : la rue, la nature, un intérieur. Apparaissent une génération de photographes (Terry Richardson, Juergen Teller, Anders Edström, Mark Borthwick, Camille Vivier, Marcelo Krasilic, Giasco Bertoli, Alex Antitch, Henry Roy, Katja Rahlwes, Richard Kern) de créateurs (Martin Margiela, Viktor & Rolf, Comme des garçons, Susan Cianciolo, Gaspard Yurkievich, Helmut Lang, Hussein Chalayan, Bless, Lutz, Cosmic Wonder) et d’artistes (Dominique Gonzalez-Foerster, Rita Ackermann, Richard Prince, Maurizio Cattelan, Claude Lévêque, Ange Leccia, Closky).
Petit à petit le magazine devient de plus en plus conventionnel. Au début des années 2000, la collaboration d’Elein Fleiss et Olivier Zahm cesse en marquant définitivement la fin de Purple dans sa forme expérimentale (celle-ci s’étant essoufflée depuis plusieurs années).
Purple Fashion mené par Olivier Zahm apparaît. La direction artistique est assurée par Christophe Brunnquell. En décembre 2005, Elein Fleiss fonde sa propre maison d’édition, les éditions purple et son magazine, Purple journal après avoir réalisé en 2003 le journal Hélène, noir et blanc au format tabloïd mêlant textes d’artistes au ton intime et photographies.
Des magazines Purple, il reste un style radical, une désillusion mêlée à la mélancolie symbolique des années 90. L’iconographie est adaptée : photos brutes, anti-glamour, montrant les choses sans détour. La beauté prend un nouvel aspect : elle est pleine de défauts. Terry Richardson et Juergen Teller, photographes majeurs du magazine y contribuent. Le premier, capable du pire comme du meilleur, est connu pour son style snapshot, son regard implacable teinté d’ironie et son penchant pour le sexe qu’il présente comme un jeu exaltant, frénétique, éphémère parfois morbide. Son regard est grinçant, cynique et joue sur les clichés de la vulgarité. Le photographe Juergen Teller montre davantage la vulnérabilité de ses modèles. Un photographe à fleur de peau faisant émerger la fragilité et l’essence des êtres. Isabelle Huppert dit de lui qu’il saisit les « mouvements inconscients du corps et de l’esprit ». La formulation est un peu mystique mais finalement assez juste.
Article publié dans kaléido numéro 1.
A.B.
Interview Emmanuel Perrotin
Galeriste ambitieux, curieux, intuitif, entrepreneur précoce et détecteur de talents, Emmanuel Perrotin travaille déjà depuis une vingtaine d’années. À l’âge de vingt trois ans, il exposait l’artiste Damien Hirst (When Logics die), à vingt quatre ans, il ouvre sa galerie-appartement rue de Beaubourg à Paris. Il a révélé notamment les artistes Maurizio Cattelan, Takashi Murakami, Sophie Calle et Bernard Frize (pour ne citer qu’eux les plus connus d’entre eux) avec qui il travaille toujours aujourd’hui. Dès ses débuts, il expose les artistes Damien Hirst, Dominique Gonzales-Foerster, Ange Leccia, Pierrick Sorrin, Wendy Jacob, Guy Limone, Sylvie Fleury, Philippe Parreno. Petit à petit, il met en avant une génération d’artistes japonais : Mischiko Koschino, Yoshinori Tsuda, Noritoshi Hirakawa, Chizu Kodama, Takashi Murakami, Kenji Yanobe, Mariko Mori, Kaoru Izima, Yoshimoto Nara, Chiho Aoshima, Mr. et Aya Takano. Aujourd’hui il représente entre autres Xavier Veilhan, Jean-Michel Othoniel, Paola Pivi, Peter Zimmermann, Piotr Uklanski, Tatiana Trouvé, Wim Delvoye.
Parlez-moi de vos débuts en tant qu’assistant, comment avez-vous commencé ? je crois que vous avez quitté l’école assez tôt.
J’ai quitté l’école à 17 ans. J’ai travaillé dès l’âge de 16 ans et suis devenu assistant de galerie à 17 ans. Au départ je pensais le faire comme un boulot alimentaire.
Par l’intermédiaire d’amis j’ai rencontré un jeune galeriste de 23 ans, Charles Cartwright. Il faisait sciences-po en même temps qu’il avait sa galerie. Il m’a d’abord fait travailler pour ses études et puis la directrice de la galerie a vu l’opportunité de travailler moins donc elle m’a fait garder la galerie. La deuxième fois que je suis venu dans la galerie, le galeriste n’était pas là, la directrice que je n’avais jamais rencontrée m’a accueilli. Elle m’a dit « Charles m’a parlé de vous, j’ai une course à faire… voici les clés, le code d’alarme de la galerie, je reviens demain ». Je me suis retrouvé tout seul dans la galerie, un peu comme dans un film !
Ensuite elle a convaincu le galeriste qu’elle avait besoin de moi, c’est comme ça que je me suis retrouvé assistant de galerie à 17 ans. Dès mon premier entretien, j’ai trouvé que les œuvres autour de moi étaient très bizarres, je me demandais ce que c’était que ces trucs ! mais bon… l’avantage de la galerie c’est qu’elle ouvrait à 14h ce qui me permettait toujours de sortir le soir faire la fête tout en ayant un boulot structurant.
Après j’ai rapidement senti que le milieu de l’art était à la charnière de plein d’autres domaines : le cinéma, le théâtre, la performance, la vidéo, etc. Comme je n’étais pas complètement sûr de ce que je voulais faire à l’époque, c’était pas mal.
Donc vous avez pris en main la galerie ?
Non ! il y avait la directrice qui était assez flemmarde. Elle m’apprenait à faire les choses non pas pour m’apprendre à les faire mais pour s’en débarrasser… toute la paperasserie, l’administratif.
Qu’est-ce que c’est l’administratif ?
Plein de trucs pas très ragoûtants ! des dossiers à faire pour les commissions d’achats, l’organisation des expositions, les communiqués de presse, faire le graphisme des cartons d’invitation, les dossiers pour les foires, l’assurance de la galerie et puis il y a toutes les choses communes à n’importe quelle PME comme payer les factures, les charges, etc.
La vision que les gens se font d’une galerie correspond souvent à un salon du XIXe siècle mais malheureusement, on n’est pas très dispo.
Comment faites-vous pour diriger vos deux galeries en même temps entre Miami et Paris ?
Je culpabilise de ne pas m’en occuper assez. J’ai un directeur à Miami qui est fantastique, Gen Watanabe, l’ancien directeur studio de Kaikai Kiki (l’atelier de Takashi Marakami). Il dirigeait 60 assistants dans l’atelier au Japon. Etant à la fois japonais et américain, il connait très bien la gestion et l’aspect juridique du pays. Alors je suis assez relaxe pour ces questions car aux Etats-Unis ça peut prendre des proportions dingues si on fait un truc de travers, on peut aller en taule !
Au niveau de la direction artistique, la galerie n’a que deux ans d’existence et malheureusement je n’ai pas accordé assez de temps à cela. Maintenant j’essaye de me bagarrer pour faire en sorte d’avoir une programmation plus continue et plus efficace. Ces derniers temps, j’ai remonté la barre.
Vous êtes allés à Miami à cause de la foire ?
Oui parce qu’une foire a un effet fou sur une ville. Par exemple Chicago était l’une des villes les plus importantes du marché de l’art américain, elle est tombée en même temps que la foire en désuétude. Quand la foire était puissante, il y avait des galeries puissantes à Chicago.
Il y a dix ans, on rigolait de Los Angeles, cinq ans après il y avait des galeries puissantes, un marché fort. Aujourd’hui, plus personne ne rigole et c’est un peu le dernier endroit où il faut ouvrir une galerie mais avec toutes les contraintes d’une ville comme Los Angeles : le trafic… les gens… c’est un enfer ! je n’ai aucune envie d’aller là-bas. Je sais que Los Angeles est une ville adorée par beaucoup de monde, moi je n’aime pas du tout ! je ne sais pas pourquoi ! Je vais y retourner en essayant d’avoir de bonnes résolutions, avec des gens qui veulent vraiment me montrer que c’est bien. Ils vont peut-être y arriver. Mais sans réfléchir, en cinq minutes, je préfère South Beach à Hollywood Boulevard.
Que vous apporte en plus l’espace de Miami ?
Parfois on peut se lâcher un peu, se servir de la galerie de Miami comme d’un laboratoire. On peut voir à travers une exposition si l’on s’entend bien avec l’artiste pour après la présenter à Paris. On a exposé une jeune artiste suédoise : Klara Kristalova. Au niveau de la rentabilité, c’est complètement débile de présenter une jeune suédoise en laboratoire à Miami à cause des frais de transport et des frais de caisses.
Vous allez exposer son travail à Paris ?
On vient de lui proposer de faire une exposition à Paris, elle a décliné l’offre de décembre. On verra quand cela se fera.
C’est sûr que les frais de transports, de caisses en rapport avec les prix des œuvres… je me souviendrai toujours du compte rendu de mon directeur de Miami sur tous les frais inhérents à cette exposition et combien on pouvait gagner si on arrivait à tout vendre, ça le faisait rigoler ! il me trouvait bien gentil tout en se disant que ce n’était pas avec ça qu’on allait payer les salaires.
Oui mais vous avez des artistes particulièrement rentables donc les choses s’équilibrent…
Oui, c’est vrai. Ce que j’espère surtout, c’est démarrer avec une artiste de cette façon afin que cinq ans plus tard, elle soit l’une des artistes qui fasse vivre la galerie.
Ce n’est pas facile à envisager, car si l’on ne vend pas tout, on perd de l’argent. C’est comme ça ! ça fait partie du jeu, je suis dans une position plus facile pour le faire.
Parlez-moi de BING
C’est un magazine qui n’a pas de prétention supplémentaire que de rendre compte de l’activité de la galerie.
C’est un magazine au service de l’image de marque de la galerie ?
Pas forcément. On voit des gens arriver à la galerie en connaissance de cause, ils savent déjà ce qu’ils ont envie de voir. Ils sont capables de vous parler d’un des artistes les moins connu de la galerie parce qu’ils l’ont découvert dans le magazine. C’est une grosse victoire.
Beaucoup de galeries ont comme réflexe dès qu’elles ont un peu de succès de se focaliser sur leurs artistes à succès et n’ensemencent rien pour l’avenir.
En prenant le risque de produire des jeunes artistes, on met notre image en péril, entre le moment à partir duquel on rencontre l’artiste et la réalisation de son projet c’est difficile de savoir si ça va aller. On peut avoir des surprises.
Vous cherchez à ce que les artistes soient reconnus dans la durée ?
Oui, ils peuvent faire un ou deux projets très bien et après faire des trucs pas terribles. On donne parfois l’impression de ne pas être fidèle. Moi, je n’ai pas trop ce problème. Je suis relativement fidèle. Mais hier, j’ai annoncé au téléphone à une artiste que j’arrêtais de travailler avec elle. C’était très difficile parce que c’était un peu comme une rupture amoureuse, elle me disait « mais pourquoi ? qu’est-ce que j’ai fait ? ». Simplement, je me suis aperçu que je ne suis pas très à l’aise avec son travail. C’est difficile à expliquer (…)
Je m’oblige à arbitrer alors que d’autres galeristes se contentent de ne plus commander d’œuvres, de ne plus programmer d’expo pour que l’artiste s’énerve et parte de lui-même.
J’ai dans ma ligne graphique mes artistes. Sur le site de la galerie, nous représentons 33 artistes, on peut se demander si on va pouvoir travailler avec tous ces artistes. Alors, je préfère arbitrer. On a arrêté avec Terry Richardson il n’y a pas longtemps. Je travaillais avec lui depuis 1996. Malheureusement il ne s’est pas passé tout ce que j’espérais. Toutes les choses qu’on aurait pu faire sans y parvenir parce que ses assistants ne s’en occupaient pas. On s’entend très bien tous les deux, mais il n’y a plus l’excitation qu’il y avait avant pour faire les choses. On est tenté de garder un nom parce que c’est une vedette, que tout le monde le connaît. De la même manière, j’ai arrêté avec John Waters après deux expos. Il m’a contacté récemment pour faire une troisième expo mais je n’y voyais pas trop d’excitation. Bien sur, John Waters, ça fait chic dans une liste d’artistes, mais il faut faire les choses si cela nous motive.
Donc, ça tourne pas mal…
Non ! si vous regardez j’ai certains artistes dans ma liste dont la carrière n’est pas éblouissante. Ils ne sont pas du tout à la mode, ne font pas partie du petit milieu branché et pourtant je travaille avec eux. Il y aura toujours des gens pour me reprocher d’avoir un état d’esprit trop commercial parce qu’un certain nombre de mes artistes ont beaucoup de succès mais au départ certains artistes ne valaient pas un sou. On ne peut pas me reprocher d’avoir pris Maurizio Cattelan et Takashi Murakami pour l’argent. Quand nous avons commencé ensemble, ils étaient d’illustres inconnus.
Vous représentez beaucoup d’artistes japonais, vous avez un goût pour le Japon ?
Oui ! j’ai fait une foire quand j’étais très jeune au Japon, à l’âge de vingt-trois ans. J’y suis retourné trois années de suite. J’ai rencontré un certain nombre d’artistes. Avec Takashi Murakami on a prolongé notre collaboration. J’ai exposé neuf artistes japonais en solo et peut être dix ou onze avec les group show. C’est vrai que c’est l’une de mes spécificités le Japon.
A une autre époque, la réputation de la galerie c’était de faire l’art et le cul. J’ai réussi à me débarrasser de ça. C’était juste un mauvais concours de circonstance, j’ai eu l’exposition de Terry Richardson. Ensuite, alors qu’il n’avait pas du tout l’habitude de faire ce genre de choses, j’ai eu un artiste japonais, Kenji Yanobe qui a fait une sorte de scaphandre en milieu hostile pour pouvoir baiser en cas de guerre nucléaire…
Hahaha !
Ça n’avait rien à voir avec son boulot habituel, je ne m’y attendais pas du tout.
Et il y a eu Maurizio Cattelan qui vous a transformé en Errotin le vrai lapin !
Oui, bien sur il a eu Maurizio et il y avait aussi Tom of Finland, les dessins pornographiques gays avec des marins, des policiers, des cowboys. C’est le pape de l’imagerie érotique gay.
Alors avec tous ces artistes cumulés, j’avais la réputation d’être la galerie du sexe. Mais maintenant je crois que c’est bon, depuis un bon moment je ne suis pas très cul du tout !
c’est dommage !
Ah oui ? c’est dommage ?
Il ne faut jamais passer d’un extrême à l’autre !
Dans le travail de vos artistes, il y a peu d’œuvres conceptuelles ou minimales. Les œuvres semblent plutôt accessibles ou bien même ludiques…
Oui, il y a parfois beaucoup d’humour dans certaines œuvres. Certains ne voient que l’humour de Maurizio Cattelan ou l’aspect ludique de son travail et ne saisissent pas toutes les facettes de son œuvre, c’est exactement comme avec Takashi Murakami. Ce n’est pas très ludique si l’on regarde bien : la nature pleure, il y a des champignons atomiques, le titre de sa sculpture porte le nom de la drogue que prenaient les kamikazes avant de se fracasser contre des portes-avions, la pédophilie, la femme-objet. Tout ça est totalement nié par des gens qui n’ont pas pris plus de deux minutes pour regarder l’œuvre de l’artiste. On a lu des articles sidérants basés uniquement sur des préjugés selon lesquels Murakami faisait faire ses tableaux par ses assistants. Takashi est certainement le plus gros travailleur que je connaisse au monde. Il y a eu aussi beaucoup de méprise sur Aya Takano. Pourtant son travail parle du contexte social du Japon, des femmes s’affirmant socialement. Le peu d’hommes que l’on voit dans les œuvres sont soit un objet sexuel soit une espèce de cadavre dont on ne voit qu’une jambe. Il aborde aussi la lassitude des filles, la superficialité de la mode. Beaucoup de gens ne s’arrêtent que sur l’aspect « cute » de l’imagerie japonaise. On aurait pu se dire au moment du Pop Art « ils utilisent des comics alors c’est pas très sérieux », tout cela est un peu grotesque.
Il y en a pour tous les goûts dans votre catalogue. J’ai l’impression qu’un collectionneur qui a de l’argent trouvera forcément une œuvre qui lui plaira. Vos choix sont très éclectiques.
On est d’accord ! Mais ma chère Alice ! Il y en a essentiellement pour mes goûts !!
Ensuite, il se trouve que mes goûts sont très éclectiques.
C’est un avantage pour les artistes. Il arrive très souvent qu’un collectionneur vienne pour un artiste précis à la galerie et en découvre un autre totalement différent à la même occasion. Il s’y intéresse et finit par le collectionner aussi. C’est arrivé très souvent, c’est justement parce que les œuvres sont protéiformes. Les œuvres plus accessibles et attractives visuellement aident celles qui paraissent plus difficiles d’accès. Tout comme les artistes connus permettent de découvrir d’autres artistes moins connus.
Comment choisissez-vous les artistes ? L’élément déclencheur qui vous fait penser qu’un artiste va marcher ?
Pressentiment…
Coup de cœur par rapport à vos goûts ?
Oui c’est ça ! mais très souvent je me plante ! parfois mes goûts évoluent et je me dis « mais quelle mouche m’a piqué ? ». C’est un peu gênant parce qu’avant il n’y avait pas d’enjeux énormes, on pouvait expérimenter facilement alors que maintenant c’est plus compliqué. La galerie est devenue plus importante donc quand on présente un artiste solo, il considère immédiatement qu’il fait partie de la galerie, du coup, si on arrête de travailler avec lui, l’artiste se sent trahi.
Tu veux que je te montre le nouvel espace en travaux ?
Oui ! je veux bien !
Allez, viens !
Emmanuel Perrotin me conduit dans un passage rue Saint-Claude au fond duquel se trouve le vaste nouvel espace en chantier (ouverture prévue le 15 septembre 2007 à l’occasion de l’exposition Peter Coffin).
L’empire du galeriste composé d’une galerie à Miami de 1300m2 avec piscine et d’un hôtel particulier/galerie de 700m2 rue de Turenne, s’agrandit encore. Situé derrière l’hôtel particulier, le nouvel espace peut communiquer avec le premier. Le chef d’entreprise inspecte les lieux, attentif au moindre détail, l’emplacement des rails d’éclairage, les finitions d’une poignée de porte métallique. Il semble satisfait.
Propos recueillis par Alice Bénusiglio le 2 Août 2007.
Interview publiée dans le numéro deux de Kaléido
www.galerieperrotin.com
Parlez-moi de vos débuts en tant qu’assistant, comment avez-vous commencé ? je crois que vous avez quitté l’école assez tôt.
J’ai quitté l’école à 17 ans. J’ai travaillé dès l’âge de 16 ans et suis devenu assistant de galerie à 17 ans. Au départ je pensais le faire comme un boulot alimentaire.
Par l’intermédiaire d’amis j’ai rencontré un jeune galeriste de 23 ans, Charles Cartwright. Il faisait sciences-po en même temps qu’il avait sa galerie. Il m’a d’abord fait travailler pour ses études et puis la directrice de la galerie a vu l’opportunité de travailler moins donc elle m’a fait garder la galerie. La deuxième fois que je suis venu dans la galerie, le galeriste n’était pas là, la directrice que je n’avais jamais rencontrée m’a accueilli. Elle m’a dit « Charles m’a parlé de vous, j’ai une course à faire… voici les clés, le code d’alarme de la galerie, je reviens demain ». Je me suis retrouvé tout seul dans la galerie, un peu comme dans un film !
Ensuite elle a convaincu le galeriste qu’elle avait besoin de moi, c’est comme ça que je me suis retrouvé assistant de galerie à 17 ans. Dès mon premier entretien, j’ai trouvé que les œuvres autour de moi étaient très bizarres, je me demandais ce que c’était que ces trucs ! mais bon… l’avantage de la galerie c’est qu’elle ouvrait à 14h ce qui me permettait toujours de sortir le soir faire la fête tout en ayant un boulot structurant.
Après j’ai rapidement senti que le milieu de l’art était à la charnière de plein d’autres domaines : le cinéma, le théâtre, la performance, la vidéo, etc. Comme je n’étais pas complètement sûr de ce que je voulais faire à l’époque, c’était pas mal.
Donc vous avez pris en main la galerie ?
Non ! il y avait la directrice qui était assez flemmarde. Elle m’apprenait à faire les choses non pas pour m’apprendre à les faire mais pour s’en débarrasser… toute la paperasserie, l’administratif.
Qu’est-ce que c’est l’administratif ?
Plein de trucs pas très ragoûtants ! des dossiers à faire pour les commissions d’achats, l’organisation des expositions, les communiqués de presse, faire le graphisme des cartons d’invitation, les dossiers pour les foires, l’assurance de la galerie et puis il y a toutes les choses communes à n’importe quelle PME comme payer les factures, les charges, etc.
La vision que les gens se font d’une galerie correspond souvent à un salon du XIXe siècle mais malheureusement, on n’est pas très dispo.
Comment faites-vous pour diriger vos deux galeries en même temps entre Miami et Paris ?
Je culpabilise de ne pas m’en occuper assez. J’ai un directeur à Miami qui est fantastique, Gen Watanabe, l’ancien directeur studio de Kaikai Kiki (l’atelier de Takashi Marakami). Il dirigeait 60 assistants dans l’atelier au Japon. Etant à la fois japonais et américain, il connait très bien la gestion et l’aspect juridique du pays. Alors je suis assez relaxe pour ces questions car aux Etats-Unis ça peut prendre des proportions dingues si on fait un truc de travers, on peut aller en taule !
Au niveau de la direction artistique, la galerie n’a que deux ans d’existence et malheureusement je n’ai pas accordé assez de temps à cela. Maintenant j’essaye de me bagarrer pour faire en sorte d’avoir une programmation plus continue et plus efficace. Ces derniers temps, j’ai remonté la barre.
Vous êtes allés à Miami à cause de la foire ?
Oui parce qu’une foire a un effet fou sur une ville. Par exemple Chicago était l’une des villes les plus importantes du marché de l’art américain, elle est tombée en même temps que la foire en désuétude. Quand la foire était puissante, il y avait des galeries puissantes à Chicago.
Il y a dix ans, on rigolait de Los Angeles, cinq ans après il y avait des galeries puissantes, un marché fort. Aujourd’hui, plus personne ne rigole et c’est un peu le dernier endroit où il faut ouvrir une galerie mais avec toutes les contraintes d’une ville comme Los Angeles : le trafic… les gens… c’est un enfer ! je n’ai aucune envie d’aller là-bas. Je sais que Los Angeles est une ville adorée par beaucoup de monde, moi je n’aime pas du tout ! je ne sais pas pourquoi ! Je vais y retourner en essayant d’avoir de bonnes résolutions, avec des gens qui veulent vraiment me montrer que c’est bien. Ils vont peut-être y arriver. Mais sans réfléchir, en cinq minutes, je préfère South Beach à Hollywood Boulevard.
Que vous apporte en plus l’espace de Miami ?
Parfois on peut se lâcher un peu, se servir de la galerie de Miami comme d’un laboratoire. On peut voir à travers une exposition si l’on s’entend bien avec l’artiste pour après la présenter à Paris. On a exposé une jeune artiste suédoise : Klara Kristalova. Au niveau de la rentabilité, c’est complètement débile de présenter une jeune suédoise en laboratoire à Miami à cause des frais de transport et des frais de caisses.
Vous allez exposer son travail à Paris ?
On vient de lui proposer de faire une exposition à Paris, elle a décliné l’offre de décembre. On verra quand cela se fera.
C’est sûr que les frais de transports, de caisses en rapport avec les prix des œuvres… je me souviendrai toujours du compte rendu de mon directeur de Miami sur tous les frais inhérents à cette exposition et combien on pouvait gagner si on arrivait à tout vendre, ça le faisait rigoler ! il me trouvait bien gentil tout en se disant que ce n’était pas avec ça qu’on allait payer les salaires.
Oui mais vous avez des artistes particulièrement rentables donc les choses s’équilibrent…
Oui, c’est vrai. Ce que j’espère surtout, c’est démarrer avec une artiste de cette façon afin que cinq ans plus tard, elle soit l’une des artistes qui fasse vivre la galerie.
Ce n’est pas facile à envisager, car si l’on ne vend pas tout, on perd de l’argent. C’est comme ça ! ça fait partie du jeu, je suis dans une position plus facile pour le faire.
Parlez-moi de BING
C’est un magazine qui n’a pas de prétention supplémentaire que de rendre compte de l’activité de la galerie.
C’est un magazine au service de l’image de marque de la galerie ?
Pas forcément. On voit des gens arriver à la galerie en connaissance de cause, ils savent déjà ce qu’ils ont envie de voir. Ils sont capables de vous parler d’un des artistes les moins connu de la galerie parce qu’ils l’ont découvert dans le magazine. C’est une grosse victoire.
Beaucoup de galeries ont comme réflexe dès qu’elles ont un peu de succès de se focaliser sur leurs artistes à succès et n’ensemencent rien pour l’avenir.
En prenant le risque de produire des jeunes artistes, on met notre image en péril, entre le moment à partir duquel on rencontre l’artiste et la réalisation de son projet c’est difficile de savoir si ça va aller. On peut avoir des surprises.
Vous cherchez à ce que les artistes soient reconnus dans la durée ?
Oui, ils peuvent faire un ou deux projets très bien et après faire des trucs pas terribles. On donne parfois l’impression de ne pas être fidèle. Moi, je n’ai pas trop ce problème. Je suis relativement fidèle. Mais hier, j’ai annoncé au téléphone à une artiste que j’arrêtais de travailler avec elle. C’était très difficile parce que c’était un peu comme une rupture amoureuse, elle me disait « mais pourquoi ? qu’est-ce que j’ai fait ? ». Simplement, je me suis aperçu que je ne suis pas très à l’aise avec son travail. C’est difficile à expliquer (…)
Je m’oblige à arbitrer alors que d’autres galeristes se contentent de ne plus commander d’œuvres, de ne plus programmer d’expo pour que l’artiste s’énerve et parte de lui-même.
J’ai dans ma ligne graphique mes artistes. Sur le site de la galerie, nous représentons 33 artistes, on peut se demander si on va pouvoir travailler avec tous ces artistes. Alors, je préfère arbitrer. On a arrêté avec Terry Richardson il n’y a pas longtemps. Je travaillais avec lui depuis 1996. Malheureusement il ne s’est pas passé tout ce que j’espérais. Toutes les choses qu’on aurait pu faire sans y parvenir parce que ses assistants ne s’en occupaient pas. On s’entend très bien tous les deux, mais il n’y a plus l’excitation qu’il y avait avant pour faire les choses. On est tenté de garder un nom parce que c’est une vedette, que tout le monde le connaît. De la même manière, j’ai arrêté avec John Waters après deux expos. Il m’a contacté récemment pour faire une troisième expo mais je n’y voyais pas trop d’excitation. Bien sur, John Waters, ça fait chic dans une liste d’artistes, mais il faut faire les choses si cela nous motive.
Donc, ça tourne pas mal…
Non ! si vous regardez j’ai certains artistes dans ma liste dont la carrière n’est pas éblouissante. Ils ne sont pas du tout à la mode, ne font pas partie du petit milieu branché et pourtant je travaille avec eux. Il y aura toujours des gens pour me reprocher d’avoir un état d’esprit trop commercial parce qu’un certain nombre de mes artistes ont beaucoup de succès mais au départ certains artistes ne valaient pas un sou. On ne peut pas me reprocher d’avoir pris Maurizio Cattelan et Takashi Murakami pour l’argent. Quand nous avons commencé ensemble, ils étaient d’illustres inconnus.
Vous représentez beaucoup d’artistes japonais, vous avez un goût pour le Japon ?
Oui ! j’ai fait une foire quand j’étais très jeune au Japon, à l’âge de vingt-trois ans. J’y suis retourné trois années de suite. J’ai rencontré un certain nombre d’artistes. Avec Takashi Murakami on a prolongé notre collaboration. J’ai exposé neuf artistes japonais en solo et peut être dix ou onze avec les group show. C’est vrai que c’est l’une de mes spécificités le Japon.
A une autre époque, la réputation de la galerie c’était de faire l’art et le cul. J’ai réussi à me débarrasser de ça. C’était juste un mauvais concours de circonstance, j’ai eu l’exposition de Terry Richardson. Ensuite, alors qu’il n’avait pas du tout l’habitude de faire ce genre de choses, j’ai eu un artiste japonais, Kenji Yanobe qui a fait une sorte de scaphandre en milieu hostile pour pouvoir baiser en cas de guerre nucléaire…
Hahaha !
Ça n’avait rien à voir avec son boulot habituel, je ne m’y attendais pas du tout.
Et il y a eu Maurizio Cattelan qui vous a transformé en Errotin le vrai lapin !
Oui, bien sur il a eu Maurizio et il y avait aussi Tom of Finland, les dessins pornographiques gays avec des marins, des policiers, des cowboys. C’est le pape de l’imagerie érotique gay.
Alors avec tous ces artistes cumulés, j’avais la réputation d’être la galerie du sexe. Mais maintenant je crois que c’est bon, depuis un bon moment je ne suis pas très cul du tout !
c’est dommage !
Ah oui ? c’est dommage ?
Il ne faut jamais passer d’un extrême à l’autre !
Dans le travail de vos artistes, il y a peu d’œuvres conceptuelles ou minimales. Les œuvres semblent plutôt accessibles ou bien même ludiques…
Oui, il y a parfois beaucoup d’humour dans certaines œuvres. Certains ne voient que l’humour de Maurizio Cattelan ou l’aspect ludique de son travail et ne saisissent pas toutes les facettes de son œuvre, c’est exactement comme avec Takashi Murakami. Ce n’est pas très ludique si l’on regarde bien : la nature pleure, il y a des champignons atomiques, le titre de sa sculpture porte le nom de la drogue que prenaient les kamikazes avant de se fracasser contre des portes-avions, la pédophilie, la femme-objet. Tout ça est totalement nié par des gens qui n’ont pas pris plus de deux minutes pour regarder l’œuvre de l’artiste. On a lu des articles sidérants basés uniquement sur des préjugés selon lesquels Murakami faisait faire ses tableaux par ses assistants. Takashi est certainement le plus gros travailleur que je connaisse au monde. Il y a eu aussi beaucoup de méprise sur Aya Takano. Pourtant son travail parle du contexte social du Japon, des femmes s’affirmant socialement. Le peu d’hommes que l’on voit dans les œuvres sont soit un objet sexuel soit une espèce de cadavre dont on ne voit qu’une jambe. Il aborde aussi la lassitude des filles, la superficialité de la mode. Beaucoup de gens ne s’arrêtent que sur l’aspect « cute » de l’imagerie japonaise. On aurait pu se dire au moment du Pop Art « ils utilisent des comics alors c’est pas très sérieux », tout cela est un peu grotesque.
Il y en a pour tous les goûts dans votre catalogue. J’ai l’impression qu’un collectionneur qui a de l’argent trouvera forcément une œuvre qui lui plaira. Vos choix sont très éclectiques.
On est d’accord ! Mais ma chère Alice ! Il y en a essentiellement pour mes goûts !!
Ensuite, il se trouve que mes goûts sont très éclectiques.
C’est un avantage pour les artistes. Il arrive très souvent qu’un collectionneur vienne pour un artiste précis à la galerie et en découvre un autre totalement différent à la même occasion. Il s’y intéresse et finit par le collectionner aussi. C’est arrivé très souvent, c’est justement parce que les œuvres sont protéiformes. Les œuvres plus accessibles et attractives visuellement aident celles qui paraissent plus difficiles d’accès. Tout comme les artistes connus permettent de découvrir d’autres artistes moins connus.
Comment choisissez-vous les artistes ? L’élément déclencheur qui vous fait penser qu’un artiste va marcher ?
Pressentiment…
Coup de cœur par rapport à vos goûts ?
Oui c’est ça ! mais très souvent je me plante ! parfois mes goûts évoluent et je me dis « mais quelle mouche m’a piqué ? ». C’est un peu gênant parce qu’avant il n’y avait pas d’enjeux énormes, on pouvait expérimenter facilement alors que maintenant c’est plus compliqué. La galerie est devenue plus importante donc quand on présente un artiste solo, il considère immédiatement qu’il fait partie de la galerie, du coup, si on arrête de travailler avec lui, l’artiste se sent trahi.
Tu veux que je te montre le nouvel espace en travaux ?
Oui ! je veux bien !
Allez, viens !
Emmanuel Perrotin me conduit dans un passage rue Saint-Claude au fond duquel se trouve le vaste nouvel espace en chantier (ouverture prévue le 15 septembre 2007 à l’occasion de l’exposition Peter Coffin).
L’empire du galeriste composé d’une galerie à Miami de 1300m2 avec piscine et d’un hôtel particulier/galerie de 700m2 rue de Turenne, s’agrandit encore. Situé derrière l’hôtel particulier, le nouvel espace peut communiquer avec le premier. Le chef d’entreprise inspecte les lieux, attentif au moindre détail, l’emplacement des rails d’éclairage, les finitions d’une poignée de porte métallique. Il semble satisfait.
Propos recueillis par Alice Bénusiglio le 2 Août 2007.
Interview publiée dans le numéro deux de Kaléido
www.galerieperrotin.com
mercredi 23 septembre 2009
L’histoire du magazine kaléido
Magazines visibles sur www.alicebenusiglio.com |
Kaléido est un magazine culturel indépendant sur l'image, l'art et la mode au ton parfois espiègle et au regard toujours exigeant. J'ai commencé cette revue à la fin de mes études, à l'atelier national de recherche typographique, aux Beaux-arts de Nancy. Plus tard, j'ai publié deux numéros aux éditions Monografik, dirigées par Christophe Le Gac. Le numéro un fût financé grâce à l'obtention d'une bourse défi-jeunes.
Le magazine a été distribué dans une vingtaine de librairies à Paris liées à l'art et la mode (Colette, le musée du Jeu de paume, la Maison européenne de la photographie, l'Artcurial, La Hune, la Chambre claire, la librairie Yvon Lambert, la galerie Emmanuel Perrotin, etc).
Le magazine a été distribué dans une vingtaine de librairies à Paris liées à l'art et la mode (Colette, le musée du Jeu de paume, la Maison européenne de la photographie, l'Artcurial, La Hune, la Chambre claire, la librairie Yvon Lambert, la galerie Emmanuel Perrotin, etc).
Ont contribué au numéro un :
Angelo Cirimele (journaliste, créateur de la revue MAGAZINE), Loic Prigent (journaliste, documentariste), François Rappo (typographe, enseignant à l'école cantonale d'art de Lausanne), Nicole Labonne (critique littéraire), Félicia Parent (styliste).
les sujets abordés : Les campagnes de pub Eurostar, le magazine Purple (avec une interview d'Elein Fleiss), le magazine Re-, le graphiste Philippe Millot, La Staracademy, Michel Houellebecq, Les typographes Didot, la culture Disney, l'art de Wim Delvoye.
Ont contribué au numéro deux :
Christophe Brunnquell (DA au figaro, artiste), Nicolas Vasiljevic (photographe), Hélène d'Hervé (photographe), Félicia Parent (styliste), Nicole Labonne.
les sujets : un papier sarcastique sur la mode, une brève sur l'exposition David Mach, une interview de Christophe Brunnquell, une autre d'Emmanuel Perrotin, une autre de Maxime Buechi (directeur artistique du magazine SANG BLEU), un papier sur Yasmina Khadra.
Les voyages du magazine
Angelo Cirimele (journaliste, créateur de la revue MAGAZINE), Loic Prigent (journaliste, documentariste), François Rappo (typographe, enseignant à l'école cantonale d'art de Lausanne), Nicole Labonne (critique littéraire), Félicia Parent (styliste).
les sujets abordés : Les campagnes de pub Eurostar, le magazine Purple (avec une interview d'Elein Fleiss), le magazine Re-, le graphiste Philippe Millot, La Staracademy, Michel Houellebecq, Les typographes Didot, la culture Disney, l'art de Wim Delvoye.
Ont contribué au numéro deux :
Christophe Brunnquell (DA au figaro, artiste), Nicolas Vasiljevic (photographe), Hélène d'Hervé (photographe), Félicia Parent (styliste), Nicole Labonne.
les sujets : un papier sarcastique sur la mode, une brève sur l'exposition David Mach, une interview de Christophe Brunnquell, une autre d'Emmanuel Perrotin, une autre de Maxime Buechi (directeur artistique du magazine SANG BLEU), un papier sur Yasmina Khadra.
Les voyages du magazine
Kaléido a traversé l'atlantique et se trouve à la bibliothèque du Congrès de Washington. Un gentil mail de la bibliothécaire s'occupant du département français m'a encouragé et indiqué qu'il faisait partie de leur catalogue.
Kaléido a également été exposé à Tokyo, en participant à l'exposition de magazines "WE LOVE MAGAZINE LIBRARY".
Une exposition organisée par le directeur artistique Yasushi Fujimoto et David Guarino.
information sur le site :
http://www.magazinelibrary.jp/
information sur le site :
http://www.magazinelibrary.jp/
Lieu : Omotesando Hills building
Le numéro deux de kaléido
Le numéro deux de kaléido
acheter sur fnac.com kaléido |
Interview — EMMANUEL PERROTIN
Photographie — NICOLAS VASILJEVIC
Stylisme — FELICIA PARENT
Interview Sang Bleu — MAXIME BUECHI
Portfolio — HELENE D'HERVE
Littérature, Yasmina Khadra — NICOLE LABONNE
Direction artistique et rédaction en chef
ALICE BENUSIGLIO
Inscription à :
Articles (Atom)