mardi 1 décembre 2009

Tatiana Trouvé au MIGROS museum à Zurich

Envelopments, 2009
– copper, pencil, textile, stone, burns – variable dimensions


Envelopments (detail) 2009
– copper, pencil, textile, stone, burns – variable dimensions


The antechamber 2009
– metal, wood, lacquer, neon tubes, glass, bronze, rubber – variable dimensions


350 points towards infinity 2009
– pendular, magnet – Ø 900 cm Ø 354 1/4 inches


From here I disappear 2009
– mirror, plexiglas, metal, neon tubes – variable dimensions


A Stay between Enclosure and Space
au MIGROS Museum, Zurich jusqu'au 21 février 2010

Tatiana Trouvé expose son travail aussi étrange qu' insaisissable au Migros Museum de Zurich. L'univers de l'artiste est complexe et sophistiqué, elle interroge dans ses installations les notions de frontière, de conscient et d'inconscient.
L'intérieur et l'extérieur sont mis en scène au sens propre comme au sens figuré. Elle travaille l'espace pour représenter de façon concrète et réelle, des états psychologiques incertains et indéfinissables. Ce paradoxe rend le travail de Tatiana Trouvé particulièrement intéressant, le situant entre l'abstraction et la représentation.
A travers son installation From here I disappear, une succession de portes transparentes s'ouvrant vers l'infini, l'artiste met en scène à travers un dispositif simple et dépouillé, une sensation d'égarement et de malaise compliquée, jouant sur les perceptions du spectateur, réveillant les couches enfouies de son inconscient. Même chose pour l'œuvre 350 points towards infinity, avec ses 350 pendules suspendues, faisant référence à la notion de Freud "unHEIMlich" (souvent traduit en anglais comme "étrange" mais l'allemand signifie littéralement "non-domestique" ou "peu familier")
l'étymologie de "unheimlich" associe la notion d'étrangeté à la maison (Heim), celle-ci devient un endroit suscitant le malaise, l'incertitude.
Tatiana Trouvé nous emmène dans des territoires inexplorés grâce à la grande originalité de son travail, sa sensibilité si singulière nourrie par un langage plastique hors du commun.

à voir aussi le très bon film de
Alyssa Verbizh

Un transport en commun, un film de Dyana Gaye

Un OVNI sénégalais, qui tient du road movies, de l’opérette et de la comédie musicale ; il raconte une histoire de tous les jours dans un pays où les transports en commun sont les taxis de brousse.
Les premières images pourraient appartenir à un documentaire : embouteillages dakarois, petites commerçantes le long des trottoirs, voyageurs qui se rassemblent, comme dans une gare routière. Un chauffeur attend tranquillement en fumant dans un taxi couvert de plaies et de bosses qu’un aide astique soigneusement ; le temps passe, il ne se passe rien ….puis le groupe de voyageurs se met à danser dans la rue, comme dans West Side Story. Cela y ressemble trop pour que ce ne soit pas intentionnel ; le danseur de hip hop est la note d’aujourd’hui. Autre séquence dont la filiation semble revendiquée, celle du salon de coiffure, à l’européenne, très kitsch ; on pense à Vénus Beauté, ou à la boutique dans Les Parapluies de Cherbourg. Quant à l’histoire d’amour qui va peut-être s’épanouir, entre la jeune coiffeuse fugueuse et le héros un peu perdu mais ouvert à tout, elle évoque les Demoiselles de Rochefort.
Le charme certain du film vient de son « africanité », heureusement métissée avec les films occidentaux cités. Tandis qu’on attend un dernier passager pour remplir le taxi et optimiser la recette – il n’y a pas d’heure officielle de départ – on s’impatiente sans fureur et on finit par s’arranger : si le groupe paie pour le huitième passager, le départ est immédiat ! Plus tard, au milieu de l’embouteillage, une mobylette avance en zig zag pour amener un retardataire au point d’arrêt supposé des taxis… L’exil loin du Sénégal est évoqué par deux chansons : un jeune homme optimiste parle d’un départ vers l’Italie ; l’Europe est l’Eldorado, le voyage est initiatique : « Il faut voir du pays avant de se marier ». Contrepoint lucide de la jolie passagère à côté de lui : « Mais il ne reviendra peut-être pas… » Autre note plus grave, plus tragique : « L’Atlantique ne cesse de nous avaler, et nos mères de pleurer… » chante le chauffeur de taxi, mettant en cause le départ rêvé des jeunes comme seule solution aux difficultés économiques du pays. Et quand le taxi roule vers St Louis, avec ses huit passagers, un incident l’attend ; là encore, on s’arrangera, réparation et retard payés, effacés, par une pastèque.
L’originalité est due à ce patchwork de styles musicaux : une chanson évoque une berceuse, tandis que le récit de la patronne du salon de coiffure, accompagné à la trompette, est du jazz. Le jeune Africain aspirant au départ, avec son canotier, rappelle le music hall, et le 8e passager chantonne une romance à la Michel Legrand. La fin du voyage, happy end avec réconciliation et espoir, est le dénouement euphorique des opérettes.
Finalement, Un transport en commun n’est pas un OVNI mais un OCOM (objet cinématographique à origines multiples) faciles à identifier ; les musiques et chorégraphies sont si reconnaissables qu’à ce titre on ne peut parler d’inspiration, mais de revisitation et d’appropriation. C’est une œuvre très personnelle, pleine de bonne humeur, au ton décalé, au style vif, mais qui sait peindre la nonchalance.

Nicole Labonne

Un transport en commun: 2009 France Sénégal
réalisatrice: Dyana Gaye
48' couleur color 35mm
production: Andolfi

Le film a reçu dans le cadre du festival entrevues
le prix du public Court-métrage de fiction


lundi 23 novembre 2009

Ben Lewis, l'art s'explose


Le truculent critique d’art et journaliste Ben Lewis a signé un documentaire édifiant sur la spéculation dans l’art :
l’art s’explose (titre original The Great Contemporary Art Bubble). Le documentaire a été diffusé sur Arte après l’avoir été sur BBC4 (diffusion mondiale sur les chaînes BBC, Arte, VPRO, DR, SVT, SF, ABC-Australia). Le journaliste dévoile à travers une enquête richement nourrie le mécanisme des bulles spéculatives dans l’art ainsi que les méthodes employées par les collectionneurs, les galeristes et Sotheby's pour pousser et faire perdurer de manière artificielle les cotes de certains artistes.
Ce documentaire tient en haleine le spectateur car il est monté comme une fiction, un thriller, avec en personnage principal Ben Lewis, sorte de détective au look immuable (costume, lunette, chapeau) en train de mener l’enquête à travers le monde dans sa petite voiture électrique transformée en œuvre d’art par Tobias Rehberger. On le voit jouer au billard avec le collectionneur Aby Rosen, assister aux ventes aux enchères de Sotheby’s, interroger des économistes, des collectionneurs, des experts de l’art, des politiques, journalistes et artistes. La nuit, il rêve des Marilyn de Warhol lui chuchotant des confidences suite à ses nombreuses interrogations.
Ben Lewis commence son film par une thèse alarmante. Selon lui, les œuvres deviennent de simples marchandises produites en séries, achetées par des collectionneurs qui les considèrent comme des placements financiers. Les privilèges accordés à quelques artistes sont exploités par une poignée de collectionneurs et marchands extrêmement riches afin d’obtenir toujours plus de profits. La thèse du critique d’art pourrait nous faire sourire s’il ne s’évertuait à nous prouver à travers de nombreux témoignages (et pas des moindres) que ce qu’il annonce est fondé. Il épingle notamment les méthodes frauduleuses de quelques acteurs majeurs de l’art contemporain : Larry Gagosian (le marchand d’art le plus puissant du monde), Jay Joplin (White Cube), le collectionneur Peter Brant et la maison de vente aux enchères Sotheby’s.
Il explique comment les collectionneurs et marchands se mettent d’accord pour renchérir sur certains artistes (Koons, Hirst par exemple) pour augmenter la cote de leurs artistes et la valeur de leur collection ou de leur stock. Le cercle vicieux des bulles spéculatives s’installe : si les prix ne progressent plus et cessent de flamber, ils s’effondrent. Ben Lewis évoque également le scandale de la banque UBS qui profitait de son rôle de sponsor sur la foire d’art contemporain de Miami Beach pour appâter de nouveaux clients à l’évasion fiscale. Enfin, pour finir le documentaire en beauté, cerise sur le gâteau : Damien Hirst évince ses deux galeristes (Gagosian et Joplin) pour vendre directement ses œuvres chez Sotheby’s le 15 septembre 2008. La vente atteint le record de 139 millions d'euros. Ses deux marchands sont obligés d’acheter quelques œuvres pour maintenir la cote de leur stock. Certes l’artiste Damien Hirst ne baigne pas encore à l’image de son œuvre The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living dans du formol, il n’en est pas moins un vrai requin.

à lire aussi, très bon article de Roxana Azimi
Peter Brant, collectionneur
à propos de Damien Hirst
l'œuvre la plus chère
et aussi
benlewis.tv

vendredi 20 novembre 2009

Huang Yong Ping aux Beaux-arts et à la galerie Kamel Mennour

Huang Yong Ping, L'ombre blanche, 2009.
Peau de buffles sur structure en acier et résine
Courtesy galerie Kamel Mennour, Paris.

Deux expositions de l'artiste Hang Yong Ping ont lieu simultanément : Caverne 2009 à la galerie Kamel Mennour et Arche 2009 à la chapelle des Petits-Augustins de l'école des Beaux-arts.

Huang Yong Ping, Arche 2009.

À l’intérieur d’une immense arche déchirée et calcinée, une communauté d’animaux part à la dérive dans la chapelle des Petits-Augustins. Cette installation extraordinaire et magistrale est bouleversante. Il s’en dégage un profond sentiment tragique. L’œuvre présente un échantillon du règne animal dont l’homme est exclu. Les animaux apparaissent en détresse, flottant vers un avenir incertain. Certaines bêtes sont mortes, une girafe gît au beau milieu du pont, d’autres sont complètement calcinées, à la renverse, d’autres survivent tant bien que mal pour aller je ne sais où.

Cette mise en scène apocalyptique est sublimée par la chapelle, datant de la Reine Margot, foisonnant de chefs d’œuvres et copies de la Renaissance et du Moyen-Age. Les œuvres se répondent les unes aux autres et forment une symbiose mystique. La copie de Xavier Sigalon représentant Le jugement dernier d’après l’original de Michel-Ange à la chapelle Sixtine est en parfaite adéquation avec l’Arche 2009. Quels seront les élus et les damnés ? Y aura-t-il des rescapés ? le bébé crocodile voulant s’échapper des pattes de l’éléphant survivra t-il ? Le travail du déluge et de la mort l’emportera t-il ? toutes ces questions tourbillonnent au dessus de l’arche, posée comme une énigme au milieu de la chapelle.

Comme le précise Jean de Loisy « Huang Yong Ping revient ainsi sur une de ses obsessions essentielles, celle de la destruction des sociétés par elles-mêmes, qui fût le sujet de quelques-unes de ses œuvres comme «Théâtre du monde» ou «Péril jaune» dans lesquelles des groupes d'insectes rassemblés dans une cage, dont la forme évoquait les dispositifs carcéraux du classicisme, incapables de cohabiter se dévoraient les uns les autres. (…)L'arche de Huang Yong Ping transporte la vie mais aussi la violence fondamentale de toute organisation sociale. Par ce message pessimiste, l'artiste retourne l'idée même de l'histoire sur laquelle il se fonde. Il disjoint l'alliance entre Dieu et les hommes. Aucune punition céleste n'a frappé l'arche, seule la violence inhérente à la vie collective est à l'origine de la barbarie mise en scène par l'artiste. »

Cette œuvre grandiose, aussi noire qu' éblouissante, est visible jusqu'au 3 décembre à la Chapelle des Petits-Augustins de l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts.




Huang Yong Ping
Arche 2009
du 23 octobre 2009 au 3 décembre 2009
Chapelle des Petits-Augustins
14, rue Bonaparte
75006 Paris

Huang Yong Ping

Caverne 2009
du 23 octobre 2009 au 19 décembre 2009
Galerie Kamel Mennour
47, rue Saint-André des Arts
75006 Paris

jeudi 19 novembre 2009

FC SOFIA, Bling Bang ! à la galerie Laurent Strouk








MC SOFIA, Miss War, 2009

FC SOFIA est le nom d'un couple d'artistes, Frédéric et Catherine Sofia. Leurs œuvres malicieuses et pétillantes sont présentées à la galerie Laurent Strouk jusqu'au 31 décembre à travers l'exposition Bling Bang !

Celle-ci réunit des œuvres diverses et variées : une très belle série de masques, des armes découpées sur des plaques d'aluminium recouvertes de petits autocollants kawaï, une vanité kawaï repose sur un petit tapis en vison blanc, des casques militaires dégoulinent de centaines de petits jouets, des culottes sur piédestal, un capot de Porsche 911 customisé et enfin en pièce majeure de l'exposition la Miss War, sculpture représentant une balle géante relookée comme un bel objet de cosmétique violet métallisé. Tous les éléments du pop art sont là, mais revus et corrigés par l'esprit espiègle des artistes. Ils ne dénoncent pas la société de consommation ou la guerre, ils les détournent pour en faire un grand jeu playmobil à l'esthétique colorée et irisée.
à consommer sans modération !

FC SOFIA
Bling Bang !
jusqu'au 31 décembre
Galerie Laurent Strouk
8 bis, rue Jacques Callot
75006 Paris

vendredi 13 novembre 2009

parutions récentes monografik





Ann Demeulemeester été 2010







Ann Demeulemeester cultive l'élégance naturelle romantique comme en témoigne sa dernière collection printemps été 2010 très réussie. On reconnait l'essence de son style androgyne : le rock, le romantisme, la sensualité, le noir et blanc. Les looks bénéficient d'une sophistication discrète et délicate. Les matières employées : beaucoup de cuir, des tissus naturels, des zips détournés en bijoux ou masques, sautoirs en plumes pour les hommes. Tout ce que j'aime !

jeudi 12 novembre 2009

Ugo Rondinone/Sunrise East, les Tuileries.




Le Bon Samaritain, François Sicard, 1896.




L'Homme et sa misère ou La Misère, Jean-Baptiste Hugues, 1905-1907.



Caïn venant de tuer son frère Abel, Henri Vidal, 1896.



Cassandre se met sous la protection de Pallas, Aimé Millet, 1877.



La Comédie, Julien Toussaint Roux, 1874.



Le Serment de Spartacus, Louis Ernest Barrias, 1869-1871.

Le musée du Louvre a invité l’artiste contemporain Ugo Rondinone à présenter une installation intitulée Sunrise East dans le jardin des Tuileries. Douze sculptures monumentales, en bronze patiné argenté, représentant les douze mois de l’année à travers des monstres grimaçant ou souriant, ont été installées autour du Grand bassin rond, côté Carrousel. La confrontation entre le travail de Rondinone (qui peut faire penser à de l'art naïf) aux statues du jardin des tuileries présentes autour du bassin est très intéressante. L'aspect modelé et argenté des statues de Rondinone détonne face au marbre blanc, mate et lisse des statues du jardin.